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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tracy Chevalier
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que ma
gorge se fut assez réchauffée pour me permettre de parler. Il parut quelque peu
dérouté. « Les Vermeer », précisai-je.
    « Ah ! comment va la
famille ?
    — Les bébés sont
souffrants. Ma maîtresse aurait besoin de fleurs de sureau séchées et d’élixir
de pas-d’âne.
    — Et ton maître… » Je
lui tendis la bourse. Il la prit, intrigué, mais en lisant la note, il hocha la
tête : « Plus de noir animal ni d’ocre, murmura-t-il. On va aisément
arranger ça. Toutefois jusqu’ici il n’a jamais demandé à personne d’aller
chercher les éléments nécessaires à ses couleurs. » Il me regarda du coin
de l’oeil par-dessus le bout de papier. « Il vient toujours les chercher
lui-même. Voilà une surprise. »
    Je ne dis rien.
    « Asseyez-vous par ici,
près du feu, le temps que je prépare tout ça. » Il s’activa aussitôt,
ouvrant des pots, pesant des boutons de fleurs séchées, mesurant du sirop dans
une fiole, empaquetant méticuleusement ceci, cela avec du papier et de la
ficelle. Il mit certains articles dans la bourse en cuir, ajoutant les autres
en vrac dans mon panier. « A-t-il besoin de toiles ? » me
demanda-t-il pardessus son épaule tandis qu’il replaçait une jarre sur une des
étagères supérieures.
    « Je n’en ai pas la
moindre idée, Monsieur. Il m’a demandé de lui rapporter ce qui était écrit sur
le papier.
    — C’est très étonnant,
vraiment très étonnant. » Il me regarda de la tête aux pieds. Je me
redressai, son attention me donna le désir d’être plus grande. « Disons
qu’il fait froid et qu’il ne sortirait que s’il ne pouvait faire
autrement. » Il me tendit les paquets, la bourse et m’ouvrit la porte. Une
fois dans la rue, je me retournai et le vis qui continuait à me regarder à
travers une fenêtre minuscule dans la porte.
    De retour à la maison, j’allai
d’abord donner à Catharina les paquets en vrac dans mon panier, puis je me
précipitai vers l’escalier. Il était descendu et attendait. Je tirai la bourse
enfouie sous mon châle et la lui tendis. « Merci Griet, dit-il.
    — Qu’est-ce que vous
faites ? » Cornelia nous observait d’un peu plus loin dans le
couloir.
    À ma grande surprise, il ne lui
répondit pas mais il se contenta de se retourner et de remonter l’escalier, me
laissant l’affronter seule.
    La vérité était la réponse la
plus facile, même si je me sentais souvent mal à l’aise de dire la vérité à
Cornelia. Je ne savais jamais ce qu’elle en ferait.
    « J’ai acheté des
fournitures pour votre père, expliquai-je.
    — Il vous l’avait
demandé ? »
    À cette réponse, je répondis de
la façon dont son père venait de lui répondre, je m’éloignai d’elle en me
rendant à la cuisine, retirant mes châles en chemin. J’avais peur de répondre,
soucieuse de ne causer aucun ennui à mon maître. J’avais déjà compris que mieux
valait que personne ne sût que j’avais fait une course pour lui.
    Je me demandais si Cornelia
irait raconter à sa mère ce qu’elle avait vu. Si jeune fût-elle, elle était
aussi madrée que sa grand-mère. Elle cacherait peut-être ce qu’elle savait,
choisissant avec soin le moment de le révéler.
    Elle me donna sa propre réponse
quelques jours plus tard.
    C’était un dimanche, j’étais
descendue à la cave chercher dans la commode où je rangeais mes affaires un col
que ma mère avait brodé pour moi. Je repérai tout de suite que mes quelques
effets personnels avaient été dérangés, des cols n’avaient pas été repliés, un
de mes chemisiers était roulé en boule dans un coin, le peigne en écaille
n’était plus dans son mouchoir. Quant à celui protégeant le carreau de faïence
fait par mon père, il avait été replié avec une telle minutie que cela me parut
suspect. Sitôt que je le dépliai, le carreau en sortit en deux morceaux. Il
avait été cassé de telle sorte que la fille et le garçon étaient maintenant séparés,
le garçon se retournant mais n’ayant plus rien à regarder et la fille désormais
toute seule, le visage caché par sa coiffe.
    Je pleurai. Cornelia ne pouvait
avoir idée de mon chagrin. J’aurais été moins bouleversée si elle les avait
décapités.
     
    *
     
    Il commença à me demander
d’autres services. Un jour, il me pria de passer acheter de l’huile de lin chez
l’apothicaire à mon retour de la poissonnerie. Je devais la laisser au pied de
l’escalier pour ne

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