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La jeune fille à la perle

La jeune fille à la perle

Titel: La jeune fille à la perle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Tracy Chevalier
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l’atelier était
entrouverte. J’entrai, les lèvres serrées, l’estomac noué. Je refermai la porte
derrière moi.
    Il m’attendait. Je lui tendis
la main et laissai tomber les boucles d’oreilles dans sa paume.
    Il me sourit. « Allez
mettre votre turban. »
    J’allai me changer dans le
débarras. Il ne vint pas regarder mes cheveux. En revenant, je lançai un coup
d’oeil au tableau de L’Entremetteuse accroché au mur. L’homme souriait à la
jeune femme comme s’il tâtait des poires au marché pour voir si elles étaient
mûres. Je frémis.
    Il tenait une boucle d’oreille
par son fil métallique. Elle captait la lumière de la fenêtre, la reflétant en
une minuscule facette d’un blanc éblouissant.
    « Tenez, Griet. » Il
me tendit la perle.
    « Griet !
Griet ! Quelqu’un veut vous voir ! » Maertge appelait d’en bas.
    Je passai la tête par la
fenêtre. Il vint se placer à côté de moi et nous regardâmes ensemble.
    Pieter fils se tenait dans la
rue, au-dessous de nous. Il leva la tête et nous aperçut tous deux à la
fenêtre.
    « Descendez, Griet !
cria-t-il. Je veux vous parler. » Il ne paraissait pas prêt à s’éloigner.
    Je m’éloignai de la fenêtre.
« Pardonnez-moi, Monsieur, dis je à voix basse. Ça ne sera pas
long. » Je me précipitai dans le débarras, retirai les turbans et remis ma
coiffe. Il était toujours là, à la fenêtre, me tournant le dos, quand je
traversai l’atelier.
    Assises en rang sur le banc,
les filles regardaient Pieter avec de grands yeux, lui les regardait aussi.
    « Allons au coin de la
rue », murmurai-je, en me dirigeant vers Molenpoort. Au lieu de me suivre,
Pieter resta planté là, les bras croisés.
    « Qu’aviez-vous sur la
tête quand vous étiez là-haut ? » demanda-t-il.
    Je m’arrêtai et me retournai.
« Ma coiffe.
    — Non, c’était bleu et
jaune. »
    Cinq paires d’yeux nous
observaient, les filles sur le banc et lui à la fenêtre. Tanneke apparut
soudain sur le pas de la porte, cela fit donc six paires d’yeux.
    « Je vous en supplie,
Pieter, allons un peu plus loin, soufflai-je tout bas.
    — Ce que j’ai à dire peut
être dit devant tout le monde. Je n’ai rien à cacher. » Il rejeta la tête
en arrière, ses boucles blondes retombant derrière ses oreilles.
    Je voyais que rien ne le ferait
taire. Il dirait devant eux tous ce que je redoutais qu’il ne dise.
    Pieter n’éleva pas la voix,
mais nous l’entendîmes tous. « J’ai parlé ce matin à votre père et il m’a
donné son consentement pour que nous nous mariions, maintenant que vous avez
dix-huit ans. Vous pouvez partir d’ici et venir chez moi. Aujourd’hui
même. »
    Je me sentis rougir, était-ce
de colère ou de honte, je ne savais. Tous attendaient ma réaction.
    Je respirai bien à fond.
« Ce n’est pas l’endroit approprié pour parler de ce genre de choses, répondis-je
d’un ton sévère. Pas dans la rue comme ça. Vous avez commis une erreur en
venant ici. » Je n’attendis pas sa réponse, mais quand je me retournai
pour rentrer dans la maison, il avait l’air accablé.
    « Griet ! »
supplia-t-il.
    Je bousculai Tanneke, qui dit
tout bas quelque chose, si bas que je ne fus pas sûre de l’avoir bien entendue.
« Putain. » Je montai en courant à l’atelier. Il était encore à la
fenêtre quand je fermai la porte. « Je vous demande pardon, Monsieur,
dis-je. Je vais retirer ma coiffe. »
    Il ne se retourna pas.
« Il est toujours là », dit-il.
    Quand je ressortis du débarras,
je me rendis à la fenêtre en veillant toutefois à ne pas me tenir trop près de
celle-ci, soucieuse d’éviter que Pieter ne me revoie avec ma tête enturbannée
de jaune et de bleu.
    Mon maître ne regardait plus
dans la rue, il contemplait la tour de la Nouvelle-Église. Je jetai un coup
d’oeil furtif : Pieter s’en était allé.
    Je repris ma place sur la
chaise à têtes de lion et j’attendis.
    Quand il se tourna enfin vers
moi, son regard était impénétrable, je savais moins que jamais ce qu’il
pensait.
    « Vous allez donc nous
quitter, dit-il.
    — Oh ! Monsieur, je
ne sais pas. Ne prêtez pas attention à des paroles échangées comme ça dans la
rue.
    — L’épouserez-vous ?
    — S’il vous plaît, ne me
posez pas de questions sur lui.
    — Non, sans doute ne
devrais-je pas. Allons, mettons-nous au travail. »
    Il tendit la main vers le
placard derrière lui, attrapa une boucle

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