La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
rencontré se glissant à travers les allées et les passages avec une chanteuse, portant le paquet et la viole de cette fille sous le bras. Que pense de cela Votre Seigneurie ? n’est-ce pas là un joli écuyer ? être le rival d’un prince dans ses amours avec la plus jolie fille de Perth, couper la main à un chevalier, à un baron, et devenir le cavalier d’une vagabonde, tout cela dans vingt-quatre heures ?
– Eh ! mais, je l’estime davantage depuis que je lui connais cette humeur de gentilhomme, tout vilain qu’il est. Je voudrais qu’il fût un dévot scrupuleux au lieu d’un gaillard, et je t’aurais aidé de meilleur cœur dans ta vengeance. Et quelle vengeance ! se venger sur un armurier ! embrasser la querelle d’un misérable fabricant de chanfreins ! Cependant cela sera ; tu l’as déjà commencée par tes propres manœuvres.
– Bien faiblement encore, dit l’apothicaire. Je pris soin que deux ou trois personnes et les plus bavardes de Curfew-Street, qui n’aiment point à entendre appeler Catherine « la Jolie Fille de Perth », eussent connaissance de l’histoire de son fidèle Valentin. Elles ont mordu à l’hameçon avec tant de promptitude qu’au lieu de douter de l’histoire elles jureraient plutôt maintenant qu’elles en ont été les témoins de leurs propres yeux. L’amant arriva chez le père une heure plus tard, et vous pouvez deviner la réception qu’il reçut de Glover, car la jeune fille ne voulut pas même le regarder. Votre Seigneurie voit maintenant comment je me suis procuré un avant-goût de vengeance ; j’espère obtenir le reste, puisque nous venons de former une ligue de frères.
– De frères ! dit le chevalier avec mépris. Mais n’importe, les prêtres disent que nous sommes tous pétris du même limon. Je n’en sais rien. – Il me semble qu’il existe quelque différence. Enfin celui qui a été formé dans un moule plus parfait tiendra sa parole à son inférieur. Tu seras satisfait ; appelle mon page.
Le médecin appela, et un jeune homme parut.
– Eviot, dit le chevalier, Bonthron n’est pas sorti ; est-il ivre ?
– Non, grâce au sommeil qu’il a pris après avoir bu, répondit le page.
– Alors dites-lui de venir ici, et fermez la porte.
On entendit bientôt après un pas lourd qui s’approchait de l’appartement ; un homme entra dont la courte taille semblait être compensée par la largeur de ses épaules et la force de ses bras.
– Il y a un homme auquel tu auras affaire, Bonthron, dit le chevalier.
Les traits grossiers de Bonthron s’adoucirent un peu, et sa bouche fit une contorsion en essayant de sourire.
– Ce médecin te montrera l’homme en question, reprit le chevalier. Calcule bien le temps, le lieu et les circonstances qui pourront assurer ton succès, et prends garde de te tromper ; car l’homme dont je te parle est le batailleur Smith du Wynd.
– Il faudra user d’adresse, répondit l’assassin, car si je manque mon coup, je puis me regarder comme mort. Toute la ville de Perth parle de la valeur et de la force de cet armurier.
– Prenez deux autres personnes pour vous aider, dit le chevalier.
– Non pas, répondit Bonthron ; si quelque chose doit être double que ce soit la récompense.
– Compte qu’elle le sera, si tu t’acquittes parfaitement de ta commission.
– Fiez-vous à moi, sire chevalier, j’ai rarement manqué mon coup.
– Suis les avis de cet homme prudent, dit sir John en montrant le médecin ; attends que Smith se présente, et ne bois pas jusqu’à ce que ta tâche soit remplie.
– Soyez-en certain, répondit le sombre sicaire ; ma vie dépend d’un coup dirigé par une main sûre. Je connais celui auquel j’ai affaire.
– Sors, jusqu’à ce que le médecin te commande de le suivre ; apprête ta hache et ton poignard.
Bonthron salua et sortit.
– Votre Seigneurie confie cette affaire à un seul homme, dit le médecin lorsque l’assassin eut quitté la chambre. Je vous prierai cependant de vous souvenir qu’il y a deux nuits Smith renversa six hommes armés.
– Un homme comme Bonthron, lorsqu’il a bien choisi son moment, vaut mieux qu’une douzaine de jeunes débauchés à demi troublés par le vin. Appelle Eviot ; tu vas exercer d’abord ton talent de guérir, et il n’y a point de doute que tu réussiras. Dans la seconde affaire, tu seras aidé par un homme qui te vaut dans l’art d’envoyer promptement et
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