La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
comprimées, le sang ne se portera pas au cerveau, et il n’y aura pas d’apoplexie ; ensuite s’il n’y a pas de ligature autour du thorax, l’air continuera à arriver dans les poumons, que l’homme soit suspendu au haut d’une corde, ou qu’il ait les pieds sur la terre ferme.
– Je comprends encore tout cela, dit Eviot ; mais comment ces précautions peuvent se concilier avec l’exécution de la sentence de pendaison, c’est ce que mon esprit borné ne peut comprendre.
– Ah ! bon jeune homme, ta Vaillance a gâté un esprit qui avait de belles dispositions. Si tu avais étudié avec moi, tu aurais appris des choses bien plus difficiles. Mais voici les moyens que j’emploie : je me procure certains bandages faits de la même substance que vos sangles de chevaux, ayant un soin tout particulier qu’ils soient fabriqués de manière à ne pouvoir s’allonger, quelque fortement qu’ils soient tendus, car cela fait manquer mon expérience. Chaque pied du patient est placé dans un nœud de ce bandage, qui remonte ensuite de chaque côté des jambes jusqu’à une ceinture de même matière à laquelle il est attaché. De cette ceinture partent d’autres bandages qui remontent le long de la poitrine et du dos pour diviser le poids et mettre le pendu plus à son aise, et qui s’attachent (c’est là l’expédient le plus essentiel) à un large collier en acier, ayant un rebord recourbé en dehors, et garni de quelques crochets pour empêcher d’autant mieux le glissement de la corde, que l’exécuteur bien intentionné place autour de cette machine au lieu de l’appliquer sur le cou nu du patient. Par ce moyen, quand on le jette en bas de l’échelle, il se trouve suspendu, s’il vous plaît, non par le cou, mais par un cercle d’acier qui soutient les nœuds dans lesquels ses pieds sont placés, et qui, supportent réellement le poids de son corps ; poids qui est encore diminué par de semblables bandages passés sous ses aisselles et également attachés au collier. Ainsi, ni les veines ni la trachée-artère ne se trouvant comprimées, le pendu respirera aussi librement, et son sang, sauf la frayeur que lui cause la nouveauté de la situation, et malgré cette situation même, coulera aussi tranquillement que le vôtre quand vous êtes à cheval, les pieds appuyés sur vos étriers, un jour de bataille.
– Sur ma foi, c’est une étrange et rare invention, dit Buncle.
– N’est-il pas vrai ? reprit Dwining, et digne d’être connue de deux esprits aussi entreprenans que les vôtres ; car on ne peut savoir à quelle hauteur peuvent s’élever les gens attachés au service de sir John Ramorny ; et s’il devenait jamais nécessaire de vous faire figurer au bout d’une corde, vous trouveriez ma manière plus commode que celle qui est ordinairement usitée ; mais morbleu ! il faut avoir un pourpoint à haut collet pour cacher le collier d’acier, et par-dessus tout, il faut trouver un aussi bon compagnon que Smotherwel pour ajuster la corde.
– Vil marchand de poison ! dit Eviot, les hommes de notre profession meurent sur le champ de bataille.
– Quoi qu’il en soit, ajouta Buncle, je me souviendrai de la leçon en cas de quelque occasion urgente. Mais quelle nuit doit avoir passée ce chien pendu, ce coquin de Bonthron, dansant un branle en plein air à la musique de ses chaînes, et faisant des coulées à droite et à gauche, suivant que le vent le pousse !
– Ce serait une bonne œuvre que de le laisser accroché au gibet, dit Eviot, car le sauver ce ne sera que l’encourager à commettre de nouveaux meurtres ; il ne connaît que deux élémens, le vin et le sang.
– Sir John Ramorny aurait peut-être partagé votre opinion, dit Dwining ; mais il aurait fallu d’abord couper la langue du maraud, de peur qu’il ne racontât d’étranges histoires ; et il y a d’autres raisons qu’il ne vous importe pas de connaître. En vérité j’ai fait moi-même un trait de générosité en le servant ; car le drôle est bâti aussi fortement que le château d’Édimbourg, et son squelette aurait valu tous ceux qui se trouvent dans la salle de chirurgie de Padoue. Mais dites-moi, maître Buncle, quelles nouvelles avez-vous apportées du fier Douglas ?
– Demandez-le à ceux qui le savent, répondit Buncle ; je suis l’âne qui porte les paniers et qui ne sait pas ce qu’ils renferment : cela n’est peut-être que plus sûr pour moi. J’ai
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