La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
condamné à la potence, et dont la sentence fut exécutée. Quand il fut sur l’échafaud il ne montra pas un degré extraordinaire de crainte, et il agit et parla comme le font en général ceux qui se trouvent dans cette situation. Le hasard fit pour lui ce qu’un petit artifice ingénieux a fait pour l’aimable ami que nous venons de quitter. Quand on rendit son corps à ses parens le principe de la vie n’était pas encore entièrement éteint en lui, et j’eus la bonne fortune de la rallumer. Mais quoiqu’il eût recouvré toutes ses facultés physiques, à peine se souvenait-il de son procès et de sa sentence. Il n’avait pas la moindre idée… hé ! hé ! hé ! de s’être confessé, le matin de son exécution. Mon revenant n’avait pas le plus léger souvenir d’être sorti de sa prison, d’avoir été conduit sur la Grève, où il avait été pendu ; d’avoir… hé ! hé ! hé ! édifié par un discours dévot un si grand nombre de bons chrétiens, ni d’avoir monté l’échelle, ni d’avoir fait le saut fatal. Cependant… Mais voici l’endroit où nous devons nous séparer, car il ne serait pas à propos qu’on nous trouvât ensemble, si nous venions à rencontrer la garde ; et il serait même prudent de ne pas rentrer dans la ville par la même porte. Ma profession m’offre une excuse pour aller et venir de nuit comme de jour ; et je suppose que s’il en est besoin vous trouverez aussi quelque prétexte pour justifier votre course nocturne.
– Ma volonté sera une justification que je rendrai suffisante si je suis interrogé, répondit le jeune homme avec hauteur ; cependant j’éviterai toute rencontre si la chose est possible. La lune est couverte de nuages, et la route est aussi noire que la gueule d’un loup.
– Bien ! bien ! dit Dwining, ne vous en inquiétez pas, nous aurons à marcher avant qu’il soit peu dans des chemins encore plus noirs.
Sans demander l’explication de cette phrase de mauvais augure, et presque sans l’avoir écoutée, attendu son caractère hautain et insouciant, le page de Ramorny se sépara de son subtil mais dangereux, compagnon, et chacun d’eux se mit en marche d’un côté différent.
CHAPITRE XXV.
« L’amour véritable est un fleuve dont
« le cours n’est jamais tranquille. »
Les pressentimens fâcheux de notre armurier ne l’avaient pas trompé. Lorsque le bon Glover, après que l’événement du combat judiciaire eut été décidé, se fut séparé de celui dont il voulait faire son gendre, il reconnut, comme à la vérité il s’y était attendu, que sa fille n’était pas dans des dispositions favorables à son amant. Mais quoiqu’il s’aperçût que Catherine était froide, réservée, sérieuse ; qu’elle avait l’air d’avoir banni de son sein toutes les passions humaines et qu’elle écoutait avec une tiédeur qui allait jusqu’au mépris la relation la plus brillante qu’il pût faire du combat qui avait eu lieu dans Skinners’Yards, il résolut de ne point paraître faire attention au changement survenu dans ses manières, mais de lui parler de son mariage avec Henry comme d’un événement qui devait nécessairement arriver. Enfin quand elle commença, comme dans une première occasion, à lui déclarer que son attachement pour Henry Smith n’excédait pas les bornes de l’amitié ; qu’elle était bien déterminée à ne jamais se marier ; que le prétendu combat judiciaire était une insulte à la volonté divine et aux lois humaines, le gantier prit assez naturellement de l’humeur.
– Je ne puis lire dans tes pensées, ma fille, lui dit-il, et je ne saurais deviner d’après quelle illusion inconcevable tu embrasses un amant déclaré, tu lui permets de t’embrasser, tu cours chez lui quand le bruit de sa mort se répand, et tu te jettes dans ses bras quand tu l’y trouves seul. Tout cela est fort bien dans une fille disposée à obéir à ses parens et à contracter un mariage qui a obtenu la sanction de son père ; mais de tels gages d’intimité accordés à un homme qu’elle ne peut aimer et qu’elle est résolue à ne pas épouser, sont contraires aux convenances et même à la bienséance. Tu as déjà été plus prodigue de tes faveurs pour Henry Smith que ta mère, à qui Dieu fasse paix ! ne l’a jamais été pour moi avant que je l’épousasse. Je te dis, Catherine, que se jouer ainsi de l’amour d’un honnête homme, c’est une conduite que
Weitere Kostenlose Bücher