La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
je cherche à ébranler les principes de votre croyance ? Je prends le ciel à témoin que si mon sang était nécessaire pour cimenter dans l’esprit d’un homme la sainte religion qu’il professe, je le répandrais bien volontiers pour une pareille cause.
– Vos paroles sont belles, mon père, j’en conviens ; mais si je dois juger de la doctrine par les fruits, le ciel m’a déjà puni par la main de l’Église pour les avoir déjà écoutées précédemment. Avant que je vous connusse, mon confesseur ne me faisait pas un grand crime d’avoir raconté un conte joyeux en vidant un pot d’ale, quand même un moine ou une nonne en auraient été le sujet. S’il m’arrivait de dire que le père Hubert aimait mieux chasser les lièvres que les âmes je m’en confessais à père Vinesauf qui ne faisait qu’en rire, et qui me faisait payer un écot pour pénitence ; ou si je disais que le père Vinesauf était plus constant à son flacon qu’à son bréviaire, j’allais m’en confesser au père Hubert, et une paire de gants pour la chasse au faucon me rendait blanc comme la neige. Mais depuis que je vous ai écouté, père Clément, je n’entends plus corner à mes oreilles que le purgatoire dans l’autre monde, le feu et les fagots dans celui-ci. Retirez-vous donc, père Clément, et adressez-vous à ceux qui comprennent votre doctrine. Je n’ai nulle envie d’être martyr. Dans toute ma vie, je n’ai jamais eu une seule fois le courage de moucher une chandelle avec mes doigts ; et pour vous dire la vérité, je suis fortement tenté de retourner à Perth, de solliciter mon pardon de la cour spirituelle, de porter mon fagot au pied du gibet, par forme de rétractation, et de racheter la renommée de bon catholique, fût-ce au prix de tout ce que je possède au monde.
– Vous êtes en colère, mon très cher frère, et parce que vous courez un faible risque en ce monde, parce que vous pouvez perdre des richesses terrestres, vous vous repentez des bonnes pensées que vous aviez conçues.
– Vous en parlez fort à votre aise, père Clément, vous qui, je crois, avez renoncé depuis long-temps aux biens et aux richesses du monde, et qui êtes préparé à donner votre vie quand on vous la demandera, en échange de la doctrine que vous prêchez et, que vous croyez. Vous êtes aussi disposé à vous mettre sur le corps une chemise enduite de poix et un bonnet soufré sur la tête, qu’un homme nu l’est à se mettre au lit, et il me semble que vous n’auriez guère plus de répugnance pour cette cérémonie. Mais moi, je tiens à ce que je possède. Ma fortune m’appartient encore ; elle suffit pour me faire vivre décemment, et j’en rends grâce au ciel. J’ai soixante ans, j’ai encore bon pied, bon œil, et je ne suis nullement pressé de voir arriver la fin de la vie. Quand je serais pauvre comme Job, et que j’aurais un pied dans la tombe, ne dois-je pas encore tenir à ma fille, à qui vos doctrines ont déjà coûté si cher ?
– Votre fille, ami Simon, peut s’appeler avec vérité un ange sur la terre.
– Oui, et grâce à vos leçons, père Clément, il est probable qu’on pourra bientôt l’appeler un ange dans le ciel, et qu’elle y sera transportée sur un chariot de feu.
– Mon bon frère, cessez, je vous prie, de parler de ce que vous ne comprenez pas. Puisque c’est perdre le temps que de vous montrer la lumière à laquelle vous fermez les yeux, écoutez ce que j’ai à vous dire relativement à votre fille dont le bonheur temporel est aussi cher à Clément Blair qu’il peut l’être à son propre père, quoique je ne le mette pas un instant en comparaison avec sa félicité éternelle.
Des larmes brillaient dans les yeux du vieillard tandis qu’il parlait ainsi, et Simon Glover se sentit attendri.
– Père Clément, lui dit-il, on vous croirait le meilleur et le plus aimable des hommes. Comment se fait-il donc qu’en quelque lieu que vous portiez vos pas, vous n’engendriez que mauvaise volonté contre vous ? Je gagerais ma vie que vous avez déjà trouvé le moyen d’offenser cette demi-douzaine de pauvres moines enfermés dans leur cage entourée d’eau, et qu’il vous a été défendu de vous présenter aux funérailles.
– C’est la vérité, mon fils ; et je doute que leur méchanceté me permette de rester dans ce pays. Je n’ai fait que leur dire quelques mots sur la folie superstitieuse de se rendre dans l’église de
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