La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
retrouvé sa vigueur et sa jeunesse.
– J’y ai joué mon rôle avec hardiesse j’espère, et je n’ai guère donné lieu de reconnaître en moi ce misérable jeûne apprenti que vous aviez coutume de… de traiter comme il le méritait.
– Eachin ne ressemble pas plus à Conachar qu’un saumon ne ressemble à un par {96} , quoiqu’on prétende que c’est le même poisson à un âge différent, ou qu’un papillon ne ressemble à une chenille.
– Croyez-vous que pendant que je me revêtais de l’autorité qu’aiment tant toutes les femmes, j’aurais été moi-même un objet sur lequel les yeux d’une jeune fille se seraient arrêtés avec plaisir ? Pour parler clairement, qu’aurait pensé de moi Catherine dans cette cérémonie ?
– Voilà que nous approchons des écueils, pensa Simon Glover, et si je ne suis pas bon pilote, mon navire échouera sur la côte. La plupart des femmes aiment ce qui frappe les yeux, Eachin, répondit-il ; mais je crois que ma fille Catherine est une exception. Elle se réjouirait de la bonne fortune de son ancien ami, du compagnon de sa jeunesse, mais le magnifique Mac Ian, chef du clan de Quhele, ne serait pas pour elle plus que l’orphelin Conachar.
– Elle a toujours été généreuse et désintéressée. Mais vous-même, père Simon, vous qui avez vu le monde bien plus long-temps que votre fille, vous pouvez mieux juger de quelle valeur sont le pouvoir et la richesse pour ceux qui en jouissent. Réfléchissez-y, et dites-moi sincèrement ce que vous penseriez si vous voyiez Catherine sous le dais qui me couvrait la tête hier au soir, souveraine de cent montagnes, ayant droit à l’obéissance et au respect de dix mille vassaux, et au prix de tous ces avantages mettant sa main dans celle de l’homme qui l’aime plus que personne au monde.
– Vous voulez dire dans la vôtre, Conachar.
– Oui ; nommez-moi Conachar. J’aime ce nom, parce que c’est celui sous lequel j’ai été connu de Catherine.
– Eh bien ! dit le gantier cherchant à donner à sa réponse la tournure la moins offensante possible, je vous dirai donc sincèrement qu’en ce cas je souhaiterais de tout mon cœur que Catherine et moi nous fussions en sûreté dans mon humble boutique de Curfew-Street, sans avoir d’autres vassaux que la vieille Dorothée.
– Et avec le pauvre Conachar aussi, j’espère ? Vous ne voudriez pas le laisser languir dans une grandeur solitaire.
– Je ne voudrais pas être assez injuste envers mes anciens amis du clan de Quhele, pour les priver dans un moment critique d’un jeune chef plein de bravoure, ni ravir à ce chef la gloire dont il doit se couvrir à leur tête dans le combat qui va avoir lieu.
Eachin se mordit les lèvres pour cacher son dépit. – Ce ne sont que des mots, rien que des mots, des mots vides de sens, père Simon, dit-il. Vous craignez le clan de Quhele plus que vous ne l’aimez, et vous supposez qu’il serait transporté d’une indignation redoutable si leur chef épousait la fille d’un bourgeois de Perth.
– Et quand je craindrais un pareil résultat, Hector Mac Ian, n’aurais-je pas raison ? Comment se sont terminés des mariages mal assortis dans la maison de Mac Callanmore, dans celle des puissans Mac Leans, et même dans celle des lords des Îles ? Par le divorce, par l’exhérédation, quelquefois même par un destin encore plus funeste pour l’ambitieuse qui s’y était introduite. Vous ne pourriez épouser ma fille devant un prêtre ; vous ne pourriez l’épouser que de la main gauche, et je… Il réprima la vivacité avec laquelle il allait se laisser emporter, et ajouta : – Et je suis un honnête quoique humble bourgeois de Perth, qui préférerais voir ma fille l’épouse légitime et reconnue d’un citoyen de mon propre rang, plutôt que la maîtresse en titre d’un monarque.
– J’épouserai Catherine devant un prêtre et devant le monde entier ; devant l’autel et devant les pierres noires d’Iona ! s’écria l’impétueux jeune homme. Elle est l’amour de ma jeunesse, et il n’y a pas un lien de religion et d’honneur que je ne sois prêt à employer pour m’unir à elle. J’ai pressenti mes vassaux. Si nous remportons la victoire dans ce combat, et avec l’espoir d’obtenir Catherine mon cœur me dit que nous la remporterons, je posséderai tellement leur affection que si mon bon plaisir était de prendre une épouse dans une maison de charité, ils la
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