La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
te recevoir. Ah ! mon enfant, tu es bien aimable en vérité, si Notre-Dame a accordé à ton âme autant de vertus que ton corps a de charmes.
À ces mots la vieille femme prétendue se traîna à pas lents dans l’appartement voisin où elle trouva Rothsay costumé comme il l’avait projeté, et Ramorny, qui avait évité de prendre part à la mascarade, sous ses vêtemens ordinaires.
– Tu es un précieux coquin, sire docteur, dit le prince ; sur mon honneur ! il me semble que tu aurais le courage de remplir seul tous les rôles, même celui d’amant.
– Si c’était pour en éviter la peine à Votre Altesse, répondit Dwining avec son – hé ! hé ! hé ! – ordinaire.
– Non, non ! dit Rothsay, je n’aurai jamais besoin de ton aide. Mais dis-moi, suis-je bien placé sur cette couche ? ai-je bien l’air d’une dame languissante ?
– Le teint un peu trop brillant et les traits trop doux pour bien ressembler à lady Marjory Douglas, si j’ose parler ainsi, répondit Dwining.
– Retire-toi, drôle, et fais entrer ce beau glaçon. Ne crains pas qu’elle me reproche d’être un efféminé. Et toi aussi, Ramorny, laisse-moi.
Tandis que le chevalier sortait par une porte, la vieille femme supposée fit entrer Catherine Glover par une autre. On avait eu soin de rendre la chambre obscure, de sorte que Catherine crut voir une femme étendue sur une couche et ne conçut aucun soupçon.
– Est-ce la jeune fille demanda Rothsay d’une voix naturellement douce, et qu’il eut soin d’adoucir encore en parlant bas. Qu’elle s’approche, et qu’elle nous baise la main.
La nourrice prétendue conduisit la jeune fille tremblante près du lit, et lui fit signe de s’agenouiller. Catherine obéit, et baisa avec autant de respect que de simplicité la main couverte d’un gant que lui tendait la soi-disant duchesse.
– Ne craignez rien, dit la même voix harmonieuse ; vous voyez en moi un triste exemple de la vanité des grandeurs humaines. Heureux, mon enfant, ceux que leur rang place au-dessous des orages politiques.
En parlant ainsi, la prétendue duchesse jeta ses bras autour du cou de Catherine, et l’attira vers elle comme pour lui prouver en l’embrassant qu’elle était la bienvenue. Mais ce baiser fut donné avec une ardeur qui excédait tellement le rôle de protectrice, que Catherine crut que la duchesse avait perdu l’esprit, et poussa un grand cri.
– Paix, folle ! dit le prince ; c’est moi : Robert de Rothsay.
Catherine regarda autour d’elle. La nourrice était partie.
Le duc ayant déchiré la robe qui le couvrait, était debout devant elle sous ses vêtemens ordinaires ; et elle se vit au pouvoir d’un jeune libertin audacieux.
– Maintenant que le ciel me protége ! pensa-t-elle ; et il me protégera si je ne m’abandonne pas moi-même.
Armée de cette résolution, elle réprima la disposition qu’elle avait eue à pousser des cris ; et autant qu’elle le put elle chercha à dissimuler sa crainte.
– La plaisanterie est finie, dit-elle avec autant de fermeté qu’elle put en affecter ; puis-je maintenant prier Votre Altesse de me laisser aller ? car Rothsay la tenait encore par le bras.
– Ne luttez pas contre moi, ma belle captive : que craignez-vous ?
– Je ne lutte point, milord. Puisqu’il vous plaît de me retenir, je ne veux pas en luttant vous donner occasion de me maltraiter, et vous exposer à vous faire des reproches à vous-même quand-vous aurez eu le temps de réfléchir.
– Comment, traîtresse ! vous m’avez retenu captif pendant des mois entiers, et vous ne voulez pas que j’aie mon tour un instant ?
– Ces discours seraient de la galanterie, milord, si nous étions dans les rues de Perth, où je pourrais les écouter ou les éviter, comme bon me semblerait ; mais ici c’est de la tyrannie.
– Et quand je vous lâcherais le bras, où iriez-vous ? les ponts sont levés, les herses sont baissées, les gens de ma suite ont l’oreille sourde aux cris d’une jeune fille. Soyez donc complaisante, et vous saurez ce que c’est que d’obliger un prince.
– Laissez-moi donc aller, milord. J’en appelle de vous à vous-même, du prince de Rothsay au prince d’Écosse. Je suis fille d’un humble mais honnête citoyen, milord. Je puis presque dire que je suis épouse d’un homme brave et honnête. Si j’ai donné à Votre Altesse quelque encouragement pour agir comme elle l’a fait, c’est
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