La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
nature.
– C’est une occasion perdue, dit Ramorny ; mais il ne faut frapper notre coup que lorsqu’il aura vu cette beauté, Catherine Glover. Elle pourra ensuite servir de témoin pour déclarer qu’elle l’a vu en bonne santé, et maître de toutes ses actions, peu de temps avant que… Vous m’entendez ?
Dwining fit un signe affirmatif, et répondit :
– Il n’y a pas de temps de perdu. Il n’est pas difficile de flétrir une fleur épuisée pour avoir fleuri trop tôt.
CHAPITRE XXXI.
Le lendemain matin l’humeur du duc de Rothsay n’était plus la même. À la vérité il se plaignait de souffrir et d’avoir de la fièvre ; mais ces souffrances, au lieu de l’accabler, semblaient être un stimulant pour lui. Il traitait Ramorny avec familiarité, et quoiqu’il ne dît rien qui eût rapport à ce qui s’était passé la soirée précédente, il a était clair qu’il se rappelait ce qu’il désirait effacer du souvenir de ses compagnons ; – la mauvaise humeur qu’il avait montrée. – Il était civil avec tout le monde, et il plaisanta avec Ramorny relativement à l’arrivée de Catherine.
– Comme la jolie prude sera surprise, dit-il, quand elle se verra entourée d’hommes, au lieu d’être admise, comme elle s’y attend, parmi les barbes et les coiffes des femmes de lady Marjory suppose que le beau sexe n’est pas très nombreux dans ce château, Ramorny ?
– Non, sans doute ; à l’exception de la chanteuse, il ne s’y trouve qu’une couple de servantes dont nous ne pourrions pas nous passer. – Mais à propos de la chanteuse, elle demande à chaque instant la maîtresse au service de laquelle Votre Altesse lui a promis de la faire entrer. La congédierai-je, afin qu’elle ait le loisir d’aller la chercher ?
– Nullement : elle servira à amuser Catherine. – Mais écoute-moi ; ne serait-il pas à propos de recevoir cette belle réservée avec une espèce de mascarade ?
– Que voulez-vous dire, milord ?
– Tu es bien borné, Ramorny. – Nous ne la tromperons pas dans son attente ; elle compte trouver ici la duchesse de Rothsay ; je serai moi-même duc et duchesse.
– Je ne vous comprends pas encore.
– Personne n’est plus bête qu’un homme d’esprit quand il ne saisit pas une idée sur-le-champ. – Mon épouse, comme on l’appelle, a été aussi pressée de quitter Falkland que je l’ai été d’y arriver. Nous sommes venus ici, toi et moi, sans nos bagages. Il y a dans la garde-robe attenante à ma chambre à coucher assez de vêtemens de femme pour tout un carnaval. – Vois-tu, je jouerai le rôle de dame Marjory, placé sur ce lit avec un voile noir et une guirlande de feuilles de saule, pour indiquer que je suis une épouse délaissée. Toi, John, tu auras l’air assez raide et assez empesé pour passer pour sa dame d’honneur du comté de Calloway la comtesse Hermigide, et Dwining représentera parfaitement la vieille Héeate, sa nourrice ; si ce n’est qu’elle a plus de poils sur la lèvre supérieure qu’il n’en a sur toute sa figure, en y comprenant même son crâne. Il faudrait qu’il se procurât une barbe pour lui ressembler un peu mieux. Prends tes filles de cuisine, et les pages un peu passables que tu peux avoir, pour en faire les dames de ma chambre. – M’entends-tu ? – Allons, vite, à l’ouvrage !
Ramorny entra dans l’antichambre et apprit à Dwining le projet du prince.
– Charge-toi de satisfaire les caprices de ce fou, lui dit-il ; je ne me soucie guère de le voir, sachant ce qui va lui arriver.
– Laissez-moi le soin de tout, dit Dwining en levant les épaules. Quelle espèce de boucher que celui qui peut couper le cou d’un agneau et qui craint de l’entendre bêler ?
– C’est bon ! c’est bon ! Ne crains pas que je manque de fermeté. Je ne puis oublier qu’il m’aurait relégué dans un cloître, sans plus de cérémonie qu’on n’en fait pour jeter le tronçon d’une lance rompue. Va-t’en ! – Un instant, cependant. – Avant d’arranger cette sorte de mascarade il faut imaginer quelque chose pour tromper ce crâne épais de Charteris. Il est assez probable que si on le laisse croire que la duchesse de Rothsay est encore ici et que Catherine Glover est auprès d’elle, il y viendra pour offrir ses services, ses respects, etc. ; et je n’ai pas besoin de te dire que sa présence ne serait pas sans inconvénient. – Cela est même d’autant
Weitere Kostenlose Bücher