La Jolie Fille de Perth (Le Jour de Saint-Valentin)
une faiblesse de caractère incapable de repousser l’importunité ou de maîtriser la résistance. Sur les cheveux gris de ce personnage était placé un petit cercle d’or, ou couronne, sur un bandeau bleu. Son chapelet était composé de gros grains d’or assez grossièrement travaillés, mais orné de perles d’Écosse remarquables par leur grosseur et leur beauté. Il n’avait pas d’autres bijoux, et ses vêtemens ne consistaient qu’en une longue robe de soie cramoisie attachée par une ceinture de même couleur. Lorsqu’il eut fini sa confession il se leva avec quelque peine du coussin brodé sur lequel il était à genoux, et à l’aide d’une canne d’ébène à bec de corbin il s’approcha en boitant avec une difficulté visible et sans aucune grâce, d’un fauteuil d’apparat surmonté par un dais qui lui avait été préparé près de la cheminée dans l’appartement vaste et élevé où il se trouvait.
C’était Robert, troisième de ce nom et le second de la race infortunée des Stuarts, qui occupait le trône d’Écosse. Il avait des vertus et ne manquait pas de talens ; mais son grand malheur, comme celui de plusieurs autres princes de cette race réservée à tant de calamités, était que les qualités qui le distinguaient n’étaient pas celles qui auraient pu le mettre en état de jouer le rôle auquel sa naissance l’avait appelé. Le roi d’un peuple aussi belliqueux que les Écossais l’étaient alors, aurait eu besoin d’être un guerrier prompt et actif, libéral à récompenser les services, sévère à punir les crimes, et dont toute la conduite aurait inspiré la crainte aussi bien que l’affection. Robert III offrait en sa personne précisément le revers de ce portrait. À la vérité il avait assisté à plusieurs batailles dans sa jeunesse ; mais quoiqu’il ne s’y fût pas conduit de manière à se couvrir de honte, il n’avait jamais montré cet amour chevaleresque pour la guerre et les périls, et le désir ardent de se signaler par des exploits dangereux qu’on attendait dans ce siècle de tous ceux qui étaient de noble naissance et qui avaient des droits à l’autorité.
D’ailleurs sa carrière militaire avait été fort courte. Au milieu du tumulte d’un tournoi le jeune comte de Garrick, car tel était alors son titre, avait reçu du cheval de sir James Douglas de Dalkeith un coup de pied qui l’avait rendu boiteux pour le reste de sa vie, et qui par conséquent l’avait mis hors d’état de prendre part soit à la guerre, soit aux tournois et aux autres divertissemens militaires qui en étaient l’image. Comme Robert n’avait jamais montré beaucoup de prédilection pour les exercices violens, il ne regretta probablement pas beaucoup l’impossibilité où il se trouvait de jouer un rôle dans ces scènes actives. Mais cet accident, ou pour mieux dire les suites de cet accident, l’abaissèrent aux yeux d’une noblesse fière et d’un peuple belliqueux. Il fut obligé de confier les principaux soins des affaires de son royaume, tantôt à un membre de sa famille, tantôt à un autre, quelquefois avec le titre de lieutenant-général du royaume, et toujours avec le pouvoir attaché à ce rang. Son affection paternelle l’aurait porté à recourir à l’assistance de son fils aîné, jeune homme plein de vivacité et de talens, que sa tendresse avait créé duc de Rothsay pour lui donner un rang le plus voisin possible du trône ; mais ce jeune prince avait la tête trop légère et la main trop faible pour pouvoir porter avec dignité le sceptre qui lui aurait été délégué. Quoiqu’il aimât l’autorité, le plaisir était le goût favori du prince ; et la cour était troublée, comme le pays était scandalisé par le nombre d’intrigues passagères et de folies amoureuses que se permettait celui dont la conduite aurait dû offrir à la jeunesse du royaume un exemple d’ordre et de régularité.
Les mœurs licencieuses du duc de Rothsay étaient d’autant plus répréhensibles aux yeux du public, qu’il était marié, mais quelques personnes dont sa jeunesse, sa gaîté, ses grâces et son bon caractère avaient obtenu l’indulgence, pensaient que les circonstances mêmes de son mariage pouvaient servir d’excuse à son libertinage. Ils rappelaient que ses noces avaient été entièrement l’ouvrage de son oncle le duc d’Albany, d’après les conseils duquel le roi infirme et timide se conduisait en grande
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