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La lanterne des morts

La lanterne des morts

Titel: La lanterne des morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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sembla bien dans la manière de Valencey d’Adana auquel on ne connut aucune liaison durant son interminable exil. Mieux encore, l’Américain, assez exalté au chapitre des sentiments, se persuada qu’une telle hauteur dans la pureté amoureuse rehaussait l’humanité tout entière dans son bien le plus précieux, la passion.
    Le soir de l’anniversaire de ses trente-cinq ans, et ce fut la seule fois, le prince lui avait parlé de son amour pour Victoire, O'Shea s’en souvenait parfaitement. Un amour d’enfants devenu un amour fou qui résistait au temps et à la séparation. Et cette phrase, surtout: «Nos regards ne pouvaient se croiser sans que nous en ressentions l’un et l’autre une douleur physique.»
    O'Shea s’ébroua, sachant que ce pays royaliste n’était guère propice aux rêves. Il nota avec quelle attention Valencey d’Adana avait reçu l’enseignement de ses Indiens bravos et mayas. Sa manière de s’arrêter aux croisements de chemins, de guetter l’orée des forêts et des bois, d’écouter la nature du cri des animaux, la direction du vent et l’odeur qu’il portait – pouvant différencier celle d’un loup de celle d’un chien, d’un grand singe ou d’un homme…
    On avait dépassé les ruines d’une ancienne place forte, jetant un bref regard à la poterne, le demi-lune et la caponnière. Puis on avait traversé un village entièrement incendié – mais par quelle faction? – appelé Paroisse-aux-Treize-Vents, ce qui avait fait dire au maître d’équipage Jules Dumesnil, lequel maintenait à deux mains son bonnet de laine sur sa tête:
    – Treize vents, c’est encore douze de trop pour cette foutue nuit!
    Certains ébauchèrent un sourire.
    Tout, en ce village, paraissait sinistre. Les maisons calcinées servaient de refuge aux hiboux et aux chauves-souris.
    On ne s’arrêta pas devant l’ermitage du cadran solaire et on quitta ces lieux de grande tristesse par la Porte du Prévôt où se tenait jadis un florissant marché.
    Puis, après deux cents mètres, Valencey d’Adana ralentit son pas en voyant une église.
    Par gestes, il fit signe qu’on s’éparpillât. Flanqué de Mahé, il s’immobilisa un instant à hauteur d’un abreuvoir en pierre où l’on avait sculpté, non sans talent, une danse macabre.
    Après une brève hésitation, et voyant la porte close, le prince d’Adana tapa sur celle-ci avec la poignée de son sabre.
    Après une longue attente, un vieux curé ouvrit la porte et apparut, mal rasé, les cheveux mêlés, le regard étrange. Voyant les uniformes, il lança:
    – Ah, voici les «Bleus», les «patauds»!
    Et c’est ainsi en effet que les Vendéens appelaient souvent les républicains.
    Valencey d’Adana ne répondit pas, fixant longuement le prêtre dans les yeux. Celui-ci se déroba. Le commandant de La Terpsichore observa alors le très beau maître-autel fabriqué avec neuf marbres différents, puis il contourna les retables de pierre, le banc d’œuvre, descendit dans la nef et s’immobilisa devant un cénotaphe.
    – C'est là!
    Avec l’aide de ses compagnons, il s’attaqua au cénotaphe, cet étrange tombeau élevé à la mémoire d’un mort et qui ne contient jamais son corps.
    Ayant fait jouer le couvercle, il sourit:
    – M. Gréville ferait un excellent intendant si quelque jour prochain il abandonnait la police secrète.
    Sous le regard indifférent, ou qui se voulait tel, du curé, on sortit du cénotaphe des fusils, du bœuf séché, de la poudre, du café, du sucre, des biscuits, des chandelles, de l’encre, des plumes, des bâtons de cire à cacheter et bien d’autres choses encore dont trois documents, l’un étant vierge.
    Le prêtre, l’air de plus en plus égaré, reprit tout soudainement le vieux couplet chouan:
    Vous crèv’rez dans vos villes
    maudits patauds,
    Tout comme les chenilles,
    Les pattes en haut!…
    – Voilà qui n’est guère chrétien, l’abbé!… grinça M. de Saint-Frégant.
    Tandis qu’on cassait des prie-Dieu pour allumer un feu, Valencey d’Adana approcha le document vierge de la flamme d’une bougie.
    Écrits au jus de citron, des caractères apparurent bientôt sous l’effet de la chaleur.
    – Intéressant?… demanda Mahé qui s’était approché.
    – Déconcertant!… répliqua Valencey d’Adana qui brûla le document et en saisit un autre.
    Celui là était écrit. Il s’agissait d’une lettre commerciale sans grand intérêt comprenant de grands espaces entre

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