Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
Vom Netzwerk:
soudards, joyeux, tirèrent en leur honneur une salve
d’arquebusades.
    Et ils entrèrent ainsi à Maestricht, où Ulenspiegel s’entendit
avec les agents réformés pour envoyer, par bateaux, des armes et
des munitions à la flotte du Taiseux.
    Et ils firent de même à Landen.
    Et ils s’en allaient ainsi partout, vêtus en manouvriers.
    Le duc apprit le stratagème ; et il en fut fait une chanson
laquelle lui fut envoyée, et dont le refrain était :
    Duc de sang, duc niais,
    As-tu vu l’épousée ?
    Et chaque fois qu’il avait fait une fausse manœuvre les soudards
chantaient :
    Le duc a la berlue :
    Il a vu l’épousée.

XXIV
     
    Dans l’entre-temps, le roi Philippe brassait farouche
mélancolie. En son orgueil dolent, il priait Dieu de lui donner
pouvoir de vaincre l’Angleterre, de conquérir la France, de prendre
Milan, Gênes, Venise, et, grand dominateur des mers, de régner
ainsi sur l’entière Europe.
    Songeant à ce triomphe, il ne riait point.
    Il avait froid sans cesse ; le vin ne le réchauffait point,
ni non plus le feu de bois odorant brûlant toujours en la salle où
il se tenait. Là, sans cesse écrivant, assis au milieu de tant de
lettres qu’on en eût rempli cent tonnes, il songeait à
l’universelle domination du monde, telle que l’exerçaient les
empereurs de Rome ; à sa haine jalouse pour son fils Carlos,
depuis que celui-ci avait voulu aller aux Pays-Bas, à la place du
duc d’Albe, pour tâcher d’y régner sans doute, pensait-il. Et le
voyant laid, contrefait fou, féroce et méchant, il le prenait en
haine davantage. Mais il n’en parlait point.
    Ceux qui servaient le roi Philippe et son fils don Carlos, ne
savaient lequel des deux il leur fallait craindre le plus, ou du
fils agile, meurtrier, déchirant à coups d’ongle ses serviteurs, ou
du père couard et sournois, se servant des autres pour frapper, et
comme une hyène, vivant de cadavres.
    Les serviteurs s’effrayaient de les voir rôdant l’un autour de
l’autre. Et ils disaient que bientôt il y aurait quelque mort à
l’Escurial
    Or, ils apprirent bientôt que don Carlos avait été emprisonné
pour crime de haute trahison. Et ils surent que de noir chagrin il
se rongeait l’âme, qu’il s’était blessé au visage en voulant passer
à travers les barreaux de sa prison, pour s’échapper, et que madame
Isabelle de France, sa mère, pleurait sans cesse.
    Mais le roi Philippe ne pleurait point.
    Le bruit leur vint que l’on avait donné à don Carlos des figues
vertes et qu’il était mort le lendemain, comme s’il fût endormi.
Les médecins dirent : « Sitôt qu’il eut mangé les figues,
le sang cessa de battre, les fonctions de la vie, telles que les
veut Nature, furent interrompues, il ne sut plus ni cracher, ni
vomir, ni n’en faire sortir de son corps. Son ventre gonfla au
trépassement. »
    Le roi Philippe entendit la messe des morts pour don Carlos, le
fit enterrer dans la chapelle de sa royale résidence et mettre la
pierre sur son corps, mais il ne pleura point.
    Et les serviteurs s’entredisaient, narguant la princière
épitaphe qui se trouvait sur la pierre du tombeau :
    CI GIT CELUI QUI, MANGEANT DES FIGUES VERTES, MOURUT SANS AVOIR
ÉTÉ MALADE.
    À
qui jaze qui en para desit verdad, Morio sin
infirmidad
.
    Et le roi Philippe regarda d’un œil de luxure la princesse
d’Eboli, laquelle était mariée. Il la pria d’amour et elle
céda.
    Madame Isabelle de France, dont on disait qu’elle avait favorisé
les desseins de don Carlos sur les Pays-Bas, devint maigre et
dolente. Et ses cheveux tombèrent par grosses mèches à la fois.
Elle vomit souvent, et les ongles de ses pieds et de ses mains
tombèrent. Et elle mourut.
    Et Philippe ne pleura point.
    Les cheveux du prince d’Eboli tombèrent pareillement. Il devint
triste et se plaignit toujours. Puis les ongles de ses pieds et de
ses mains tombèrent aussi.
    Et le roi Philippe le fit enterrer.
    Et il paya le deuil de la veuve et ne pleura point.

XXV
     
    En ce temps-la, quelques femmes et filles de Damme vinrent
demander à Nele si elle voulait être la fiancée de mai et se cacher
dans les broussailles avec le fiancé qu’on lui trouverait ;
car, disaient les femmes, non sans jalousie, il n’est pas un seul
homme jeune, en tout Damme et aux environs qui ne voudrait se
fiancer à toi, qui restes si belle, sage et fraîche : don de
sorcière, sans doute.
    – Commères, répondait Nele, dites aux jeunes hommes

Weitere Kostenlose Bücher