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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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pauvre homme ! je suis venue souvent
sans oser t’approcher ; le matelot me l’a permis enfin :
je pansais ta blessure, tu ne me reconnaissais pas ; mais je
t’ai guéri ; ne te fâche pas, mon homme ! je t’ai suivi,
mais j’ai peur, il est sur ce navire : laisse-moi
partir ; s’il me voyait il me maudirait, et je brûlerais dans
le feu éternel ! » Elle me baisa encore, pleurant et
heureuse, et partit malgré moi, malgré mes pleurs : tu m’avais
lié bras et jambes, mon fils, mais maintenant.
    Et ce disant, il donnait de vigoureux coups de rame :
c’était comme la corde tendue d’un arc qui lance sa flèche en
avant.
    À mesure qu’ils approchaient du flibot, Lamme dit :
    – La voilà se tenant sur le pont, jouant de la viole, ma
mignonne femme aux cheveux d’un brun doré, aux yeux bruns, aux
joues fraîches encore, aux bras nus et ronds, aux mains blanches.
Bondis, chaloupe, sur le flot !
    Le capitaine du flibot, en voyant venir la chaloupe et Lamme
ramant comme un diable, fit jeter du pont une échelle. Quand Lamme
en fut proche, il sauta de la chaloupe sur l’échelle au risque de
choir dans la mer, lança derrière lui la chaloupe à plus de trois
brasses ; et grimpant comme un chat sur le pont courut à sa
femme qui, d’aise pâmée, le baisa et embrassa, disant :
    – Lamme ! ne me viens point prendre ; j’ai juré à
Dieu, mais je t’aime. Ah ! cher homme !
    Nele s’écria :
    – C’est Calleken Huybrechts, la belle Calleken.
    – C’est moi, dit-elle, mais las ! l’heure de midi est
passée pour ma beauté.
    Et elle parut dolente.
    – Qu’as-tu fait ? disait Lamme ; qu’es-tu
devenue ? pourquoi m’as-tu quittée ? pourquoi veux-tu me
laisser maintenant ?
    – Ecoute, dit-elle, ne te fâche point ; je te veux tout
dire : sachant tous les moines hommes de Dieu, je me confiai à
l’un d’eux : il avait nom Broer Cornelis Adriaensen.
    Ce qu’entendant Lamme :
    – Quoi ! dit-il, ce méchant cafard qui avait une bouche
d’égout, pleine de saletés et d’ordures, et ne parlait que de
verser le sang des réformés, quoi ! ce louangeur de
l’inquisition et des placards ! Ah ! ce fut ce bougresque
vaurien.
    Calleken dit :
    – N’insulte point l’homme de Dieu.
    – L’homme de Dieu, dit Lamme, je le connais : ce fut
l’homme d’ordures et de vilenies. Sort malheureux ! ma belle
Calleken tombée entre les mains de ce moine paillard !
N’approche pas, je te tue : et moi qui l’aimais tant !
mon pauvre cœur trompé qui était tout a elle ! Que viens-tu
faire ici ? pourquoi m’as-tu soigné ? il fallait me
laisser mourir. Va-t’en, je ne te veux plus voir, va-t’en, ou je te
jette à la mer. Mon couteau !…
    Elle l’embrassant :
    – Lamme, dit-elle, mon homme, ne pleure point : je ne suis
point ce que tu penses : je n’ai point été à ce moine.
    – Tu mens, dit Lamme pleurant et grinçant les dents à la fois.
Ah ! je ne fus jamais jaloux et le suis maintenant. Triste
passion, colère et amour, besoin de tuer et d’étreindre.
Va-t’en ! non, reste ! J’étais si bon pour elle ! Le
meurtre est maître en moi. Mon couteau ! Oh ! cela brûle,
dévore, ronge, tu ris de moi…
    Elle l’embrassait, pleurant, douce et soumise.
    – Oui, disait-il, je suis niais en ma colère : oui, tu
gardais mon honneur, cet honneur qu’on accroche follement aux
cottes d’une femme. Donc c’était pour cela que tu choisissais tes
plus doux sourires pour me demander d’aller au sermon avec tes
amies…
    – Laisse-moi parler, disait la femme en l’embrassant : que
je meure à l’instant si je te trompe !
    – Meurs donc, dit Lamme, car tu vas mentir.
    – Ecoute-moi, dit-elle.
    – Parle ou ne parle point, ce m’est tout un.
    – Broer Adriaensen, dit-elle, passait pour un bon
prédicateur ; je l’allai entendre : il mettait l’état
ecclésiastique et le célibat bien au-dessus de tous les autres,
comme étant le plus propre à faire gagner aux fidèles le paradis.
Son éloquence était grande et fougueuse : plusieurs honnêtes
femmes, dont j’étais, et notamment bon nombre de veuves et
fillettes, en eurent l’esprit troublé. L’état de célibat étant si
parfait, il nous recommanda d’y demeurer : nous jurâmes de ne
nous laisser plus épouser derechef…
    – Sinon par lui sans doute, dit Lamme pleurant.
    – Tais-toi, dit-elle fâchée.
    – Va, dit-il, achève : tu m’as porté un rude coup, je

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