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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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beurre. Je les fis ainsi pour toi.
Pourquoi les enfants doivent-ils à leurs pères et mères une si
grande reconnaissance ? Parce qu’ils leur ont donné l’abri,
l’amour, mais surtout la nourriture : tu dois donc m’aimer
comme ton père et ta mère, et comme à eux tu me dois reconnaissance
de gueule : ne roule donc point contre moi des yeux si
farouches.
    « Je t’apporterai tantôt une soupe à la bière et à la
farine, bien sucrée, avec force cannelle. Sais-tu pourquoi ?
Pour que ta graisse devienne transparente et tremble sur ta
peau : on la voit telle quand tu t’agites. Maintenant voici
que sonne le couvre-feu : dors en paix, sans souci du
lendemain, certain de retrouver tes repas onctueux et ton ami Lamme
pour te les bailler sans faute. »
    – Va-t’en et laisse-moi prier Dieu, disait le moine.
    – Prie, disait Lamme, prie en joyeuse musique de
ronflements : la bière et le sommeil te feront de la graisse,
de la bonne graisse. Moi je suis aise.
    Et Lamme s’allait mettre au lit.
    Et les matelots et soudards lui disaient :
    – Qu’as-tu donc à nourrir si grassement ce moine qui ne te veut
aucun bien ?
    – Laissez-moi faire, disait Lamme, j’accomplis un grand
œuvre.

V
     
    Décembre étant venu, le mois des longues ténèbres, Ulenspiegel
chanta :
    Monseigneur Sa Grande Altesse
    Lève le masque,
    Voulant régner sur le pays belgique.
    Les États espagnolisés
    Mais non Angevinés
    Disposent des impôts.
    Battez le tambour
    D’Angevine déconfiture
    Ils ont à leur discrétion
    Domaines, accises et rentes,
    Création des magistrats,
    Et les emplois aussi.
    Il en veut aux réformés,
    Monsieur Sa Grande Altesse,
    Qui passe en France pour Athée.
    Oh ! l’Angevine déconfiture !
    C’est qu’il veut être roi
    Par le glaive et par la force,
    Roi absolu pour tout de bon,
    Ce Monseigneur et Grande Altesse ;
    C’est qu’il veut prendre en trahison
    Plusieurs belles villes et même Anvers ;
    Signores et pagaders levés matin.
    Oh ! l’Angevine déconfiture !
    Ce n’est pas sur toi, France,
    Que se rue ce peuple, de rage affolé ;
    Ces coups d’armes meurtrières
    Ne frappent point ton noble corps ;
    Et ce ne sont point tes enfants
    Dont les cadavres entassés
    Remplissent la porte Kip-Dorp.
    Oh ! l’Angevine déconfiture !
    Non, ce ne sont pas tes enfants
    Que le peuple jette à bas des remparts.
    C’est d’Anjou la Grande Altesse,
    D’Anjou le débauché passif,
    France, vivant de ton sang,
    Et voulant boire le nôtre,
    Mais entre la coupe et les lèvres.
    Oh ! l’Angevine déconfiture !
    Monsieur Sa Grande Altesse,
    Dans une ville sans défense
    Cria : « Tue ! tue ! Vive la
messe !
    Avec ses beaux mignons,
    Ayant des yeux où brille
    Le feu honteux, impudent et inquiet,
    De la luxure sans amour.
    Oh ! l’Angevine déconfiture !
    C’est eux qu’on frappe et non toi, pauvre peuple,
    Sur qui ils pèsent par impôts,
    Gabelles, tailles, déflorements,
    Te dédaignant et te faisant donner
    Ton blé, tes chevaux, tes chariots,
    Toi qui es pour eux un père.
    Oh ! l’Angevine déconfiture !
    Toi qui es pour eux une mère,
    Allaitant les déportements
    De ces parricides qui souillent
    Ton nom à l’étranger, France qui te repais
    Des fumées de leur gloire,
    Quand ils ajoutent
    Par de sauvages exploits.
    Oh ! l’Angevine déconfiture !
    Un fleuron à ta couronne militaire,
    Une province à ton territoire.
    Laisse au coq stupide « Luxure et bataille »
    Le pied sur la gorge,
    Peuple français, peuple de mâles,
    Le pied qui les écrase !
    Et tous les peuples t’aimeront
    Pour Angevine déconfiture.

VI
     
    En mai, quand les paysannes de Flandre jettent la nuit,
lentement, au-dessus et en arrière de leurs têtes trois fèves
noires pour se préserver de maladie et de mort, la blessure de
Lamme se rouvrit ; il eut une grande fièvre et demanda à être
couché sur le pont du navire, vis-à-vis la cage du moine.
    Ulenspiegel le voulut bien ; mais de crainte que son ami ne
tombât à la mer en un accès, il le fit bien solidement attacher à
son lit.
    En ses lueurs de raison, Lamme recommanda sans cesse qu’on
n’oubliât pas le moine ; et il lui tirait la langue.
    Et le moine disait :
    – Tu m’insultes, gros homme.
    – Non, répondait Lamme, je t’engraisse.
    Le vent soufflait doux, le soleil brillait tiède : Lamme en
fièvre était bien attaché sur son lit, afin qu’en ses soubresauts
d’affolement, il ne sautât point

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