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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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par-dessus le pont du navire, et,
se croyant encore en cuisine, il disait :
    – Ce fourneau est clair aujourd’hui. Tantôt il pleuvra des
ortolans. Femme, tends des lacets en notre verger. Tu es belle
ainsi, les manches retroussées jusques au coude. Ton bras est
blanc, j’y veux mordre, mordre avec les lèvres qui sont des dents
de velours. À qui est cette belle chair, à qui ces beaux seins
transparents sous ta blanche casaque de toile fine ? À moi,
mon doux trésor. Qui fera la fricassée de crêtes de coq et de
croupions de poulet ? Pas trop de muscade, elle donne la
fièvre. Sauce blanche, thym et laurier : où sont les jaunes
d’œuf ?
    Puis faisant signe à Ulenspiegel d’approcher l’oreille de sa
bouche, il lui disait tout bas :
    – Tantôt il va pleuvoir de la venaison, je te garderai quatre
ortolans de plus qu’aux autres. Tu es capitaine, ne me trahis
point.
    Puis entendant le flot battre doucement le mur du
navire :
    – Le potage bouillonne, mon fils, le potage bouillonne, mais que
ce fourneau est lent à chauffer !
    Sitôt qu’il reprenait ses esprits, il disait parlant du
moine :
    – Où est-il ? croît-il en graisse ?
    Le voyant alors, il lui tirait la langue et disait :
    – Le grand œuvre s’accomplit, je suis aise.
    Un jour, il demanda qu’on dressât sur le pont la grande balance,
qu’on le plaçât, lui, sur un plateau, et qu’on mît le moine sur
l’autre : à peine le moine y fut-il, que Lamme monta comme une
flèche en l’air, et tout joyeux, dit le regardant :
    – Il pèse ! il pèse ! Je suis un esprit léger à côté
de lui : je vais voler en l’air comme un oiseau. J’ai mon
idée : ôtez-le que je puisse descendre ; mettez les poids
maintenant : replacez-le. Combien pèse-t-il ? Trois cent
quatorze livres. Et moi ? Deux cent vingt.

VII
     
    Dans la nuit du lendemain, à l’aube grise, Ulenspiegel fut
éveillé par Lamme, criant :
    – Ulenspiegel ! Ulenspiegel ! à la rescousse,
empêche-la de partir. Coupez les cordes ! coupez les
cordes !
    Ulenspiegel monta sur le pont et dit :
    – Pourquoi cries-tu ? je ne vois rien.
    – C’est elle, répondit Lamme, elle, ma femme, là, dans cette
chaloupe qui tourne autour de ce flibot ; oui, de ce flibot
d’où sortaient des chants et accords de viole.
    Nele était montée sur le pont :
    – Coupe les cordes, m’amie, dit Lamme. Ne vois-tu pas que ma
blessure est guérie, sa douce main l’a pansée ; elle, oui,
elle. La vois-tu debout dans la chaloupe ? Entends-tu ?
elle chante encore. Viens, mon aimée, viens, ne fuis point ton
pauvre Lamme, qui fut si seul au monde sans toi.
    Nele lui prit la main, toucha son visage :
    – Il a encore la fièvre, dit-elle.
    – Coupez les cordes, disait Lamme ; donnez-moi une
chaloupe ! Je suis vivant, je suis heureux, je suis guéri.
    Ulenspiegel coupa les cordes : Lamme, sautant de son lit en
haut-de-chausses de toile blanche, sans pourpoint, se mit en devoir
lui-même de descendre la chaloupe.
    – Vois-le, dit Nele à Ulenspiegel : ses mains en besognant
tremblent d’impatience.
    La chaloupe étant prête, Ulenspiegel, Nele et Lamme y
descendirent avec un rameur et se dirigèrent vers le flibot mouillé
au loin dans le havre.
    – Vois le beau flibot, disait Lamme aidant le rameur.
    Sur le ciel frais du matin, coloré comme du cristal doré par les
rayons du nouveau soleil, le flibot détachait sa carène et ses mâts
élégants.
    Pendant que Lamme ramait :
    – Dis-moi maintenant comment tu l’as retrouvée, demanda
Ulenspiegel.
    Lamme répondit parlant par saccades
    – Je dormais, déjà mieux portant. Tout à coup bruit sourd.
Morceau de bois frappe le navire. Chaloupe. Matelot court au
bruit : « Qui est là ? » Une voix douce, la
sienne, mon fils, la sienne, sa voix suave :
« Amis. » Puis plus grosse voix : « Vive le
Gueux : commandant du flibot
Johannah
parler à Lamme
Goedzak ». Matelot jette l’échelle. La lune brillait. Je vois
forme d’homme montant sur le pont : hanches fortes, genoux
ronds, bassin large ; je me dis : « faux
homme » ; je sens comme rose s’ouvrant et me touchant la
joue : sa bouche, mon fils, et je l’entends qui me dit, elle,
comprends-tu ? elle-même en me couvrant de baisers et de
pleurs : c’était feu liquide embaumé tombant sur mon
corps : « Je sais que je faisais mal ; mais je
t’aime, mon homme ! j’ai juré à Dieu : je manque à mon
serment, mon homme, mon

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