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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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courut pour les atteindre, mais ne le put, car ils
allaient comme l’autan balayant les feuilles sèches.
    Marri de colère et de désespérance, il rentra disant entre ses
dents : « Ils ont abusé d’elle ; ils ont abusé
d’elle ! » Et il regardait, les yeux brûlant d’une
méchante flamme, Nele qui, toute frémissante, se tenant devant la
veuve et Katheline, disait :
    – Non, Thyl, mon aimé, non.
    Ce disant, elle le regardait dans les yeux, si tristement et
franchement, qu’Ulenspiegel vit bien qu’elle disait vrai. Puis
l’interrogeant :
    – D’où venaient ces cris ? dit-il, où allaient ces
hommes ? Pourquoi ta chemise est-elle déchirée à l’épaule et
au dos ? Pourquoi portes-tu au front et à la joue des traces
d’ongles ?
    – Ecoute, dit-elle, mais ne nous fais point brûler, Ulenspiegel.
Katheline, que Dieu sauve de l’enfer ! a, depuis vingt-trois
jours, pour ami un diable vêtu de noir, botté et éperonné. Il a la
face brillante du feu que l’on voit en été sur les vagues de la mer
quand il fait chaud.
    – Pourquoi es-tu parti, Hanske, mon mignon ? disait
Katheline. Nele est méchante.
    Mais Nele poursuivant son propos, disait :
    – Il crie comme une orfraie pour annoncer sa présence. Ma mère
le voit dans la cuisine tous les samedis. Elle dit que ses baisers
sont froids et que son corps est comme neige. Il la bat quand elle
ne fait point tout ce qu’il veut. Il lui apporta une fois quelques
florins, mais il lui en prit toutes les autres.
    Durant ce récit, Soetkin, joignant les mains, priait pour
Katheline. Katheline joyeuse disait :
    – À moi n’est plus mon corps, à moi n’est plus mon esprit, mais
à lui. Hanske, mon mignon, mène-moi encore au sabbat. Il n’y a que
Nele qui ne veuille jamais venir ; Nele est méchante.
    – À l’aube, il s’en allait, continuait la fillette ; le
lendemain, ma mère me racontait cent choses bien étranges… Mais il
ne faut pas me regarder avec de si méchants yeux, Ulenspiegel.
Hier, elle me dit qu’un beau seigneur, vêtu de gris et nommé
Hilbert, voulait m’avoir en mariage et viendrait céans pour se
montrer à moi. Je répondis que je ne voulais point de mari, ni laid
ni beau. Par autorité maternelle, elle me força de demeurer levée à
les attendre, car elle ne perd point du tout le sens quand il
s’agit de ses amours. Nous étions à demi déshabillées, prêtes à
nous coucher ; je dormais sur la chaise qui est là. Quand ils
entrèrent, je ne m’éveillai point. Soudain je sentis quelqu’un
m’embrassant et me baisant sur le cou. Et à la lueur de la lune
brillante, je vis une face claire comme sont les crêtes des vagues
de la mer en juillet, quand il va tonner, et j’entendis qu’on me
disait à voix basse : « Je suis Hilbert, ton mari ;
sois mienne, je te ferai riche ». Le visage de celui qui
parlait avait une odeur de poisson. Je le repoussai ; il me
voulut prendre par violence, mais j’avais la force de dix hommes
comme lui. Toutefois, il me déchira ma chemise, me blessa au visage
et disait toujours : « Sois mienne, je te ferai riche. –
Oui, disais-je, comme ma mère, à qui tu prendras son dernier
liard ». Alors il redoublait de violence, mais ne pouvait rien
contre moi. Puis, comme il était plus laid qu’un trépassé, je lui
donnai de mes ongles dans les yeux si fort qu’il cria de douleur et
que je pus m’échapper et venir ici près de Soetkin.
    Katheline disait toujours :
    – Nele est méchante. Pourquoi es-tu parti si vite, Hanske mon
mignon ?
    – Où étais-tu, mauvaise mère, disait Soetkin, pendant qu’on
voulait prendre l’honneur à ton enfant ?
    – Nele est méchante, disait Katheline. J’étais près de mon
seigneur noir, quand le diable gris vint à nous, le visage sanglant
et dit : « Viens-t’en, garçon : la maison est
mauvaise ; les hommes y veulent frapper à mort, et les femmes
ont des couteaux au bout des doigts. » Puis ils coururent à
leurs chevaux et disparurent dans le brouillard. Nele est
méchante.

LXXXI
     
    Le lendemain, tandis qu’ils prenaient le lait chaud Soetkin dit
à Katheline :
    – Tu vois que la douleur me chasse déjà de ce monde m’en veux-tu
faire fuir par tes damnées sorcelleries ?
    Mais Katheline disait toujours :
    – Nele est méchante. Reviens, Hanske, mon mignon.
    Le mercredi suivant, les diables revinrent à deux. Nele, depuis
le samedi, couchait chez la veuve Van den Houte disant qu’elle

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