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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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au loin semée.
    Sautant sur Katheline et la frappant
    – Où sont les carolus ? dit-il.
    – Oui ! oui, grand prodige ! répondait Katheline.
    Nele défendant sa mère, criait :
    – Grâce et pitié, Ulenspiegel.
    Il cessa de frapper. Soetkin se montra alors et demanda ce qu’il
y avait.
    Ulenspiegel lui montra le chien égorgé et le trou vide.
    Soetkin blêmit et dit :
    – Vous me frappez durement, Seigneur Dieu. Mes pauvres
pieds !
    Et elle disait cela à cause de la douleur qu’elle y avait et de
la torture inutilement soufferte pour les carolus d’or. Nele,
voyant Soetkin si douce, se désespérait et pleurait, Katheline
agitant un morceau de parchemin, disait :
    – Oui, grand prodige. Cette nuit, il est venu, bon et beau. Il
n’avait plus sur son visage ce blême éclat qui me causait tant de
peur. Il me parlait avec une grande tendresse. J’étais ravie, mon
cœur se fondait. Il me dit : « Je suis riche maintenant
et t’apporterai mille florins d’or, bientôt. – Oui, dis-je J’en
suis aise pour toi plus que pour moi, Hanske, mon mignon. – Mais
n’as-tu point céans, demanda-t-il, quelque autre personne que tu
aimes et que je puisse enrichir ? – Non, répondis-je, ceux qui
sont ici n’ont nul besoin de toi. – Tu es fière dit-il ;
Soetkin et Ulenspiegel sont donc riches ? – Ils vivent sans le
secours du prochain, répondis-je. – Malgré la confiscation ?
dit-il. – Ce à quoi je répondis que vous aviez plutôt souffert la
torture que de laisser prendre votre bien. – Je ne l’ignorais
point, dit-il. » Et il commença, ricanant coîment et bassement
à se gausser du bailli et des échevins, pour ce qu’ils n’avaient
rien su vous faire avouer. Je riais alors pareillement. « Ils
n’eussent point été si niais, dit-il, que de cacher leur trésor en
leur maison. » Je riais. « Ni dans la cave céans. »
– Nenni, disais-je. – « Ni dans le clos ? » Je ne
répondis point. « Ah ! dit-il, ce serait grande
imprudence. » – Petite, disais-je, car l’eau ni son mur ne
parleront. Et lui de continuer de rire.
    Cette nuit, il partit plus tôt que de coutume, après m’avoir
donné une poudre avec laquelle, disait-il, j’irais au plus beau des
sabbats. Je le reconduisis, en mon linge, jusqu’à la porte du clos,
et j’étais tout ensommeillée. J’allai, comme il l’avait dit, au
sabbat, et n’en revins qu’à l’aube, où je me trouvai ici, et vis le
chien égorgé et le trou vide. C’est là un coup bien pesant pour
moi, qui l’aimai si tendrement et lui donnai mon âme. Mais vous
aurez tout ce que j’ai, et je ferai œuvre de mes pieds et de mes
mains pour vous faire vivre.
    – Je suis le blé sous la meule ; Dieu et un diable larron
me frappent à la fois, dit Soetkin.
    – Larron, n’en parlez point ainsi, repartit Katheline ; il
est diable, diable. Et pour preuve, je vais vous montrer le
parchemin qu’il laissa dans la cour ; il y est écrit :
« N’oublie jamais de me servir. Dans trois fois deux semaines
et cinq jours, je te rendrai le double du trésor. N’aie nul doute,
sinon tu mourras. » Et il tiendra parole, j’en suis sûre.
    – Pauvre affolée ! dit Soetkin.
    Et ce fut son dernier reproche.

LXXXIII
     
    Les deux semaines ayant passé trois fois et les cinq jours
pareillement, le diable ami ne revint point. Toutefois Katheline
vivait sans désespérance.
    Soetkin, ne travaillant plus, se tenait sans cesse devant le
feu, toussant et courbée. Nele lui donnait les meilleures herbes et
les plus embaumées ; mais nul remède ne pouvait sur elle.
Ulenspiegel ne sortait point de la chaumine, craignant que Soetkin
ne mourût quand il serait dehors.
    Il advint ensuite que la veuve ne put plus manger ni boire sans
vomir. Le chirurgien-barbier vint qui lui ôta du sang ; le
sang étant ôté, elle fut si faible qu’elle ne put quitter son banc.
Enfin, desséchée de douleur, elle dit un soir :
    – Claes, mon homme ! Thyl, mon fils ! merci, Dieu qui
me prends !
    Et, soupirant, elle mourut.
    Katheline n’osant la veiller, Ulenspiegel et Nele le firent
ensemble et toute la nuit ils prièrent pour la morte.
    À l’aube entra par la fenêtre ouverte une hirondelle.
    Nele dit :
    – L’oiseau des âmes, c’est bon présage : Soetkin est au
ciel.
    L’hirondelle fit trois fois le tour de la chambre et partit
jetant un cri.
    Puis il entra une seconde hirondelle plus grande et noire que la
première. Elle tourna

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