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La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak

Titel: La Légende et les Aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Charles De Coster
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ne
pouvait rester chez Katheline à cause de la présence d’Ulenspiegel,
jeune gars.
    Katheline reçut son seigneur noir et l’ami de ce seigneur dans
le
keet
, qui est la buanderie et le four à pain attenant
au logis principal. Et ils y menèrent noces et festins de vin vieux
et de langue de bœuf fumée, qui étaient toujours là les attendant.
Le diable noir dit à Katheline :
    – Nous avons, pour un grand œuvre à faire, besoin d’une grosse
somme d’argent ; donne-nous ce que tu peux.
    Katheline ne leur voulut bailler qu’un florin, ils la menacèrent
de la tuer. Mais ils la laissèrent quitte pour deux carolus d’or et
sept deniers.
    – Ne venez plus le samedi, leur dit-elle, Ulenspiegel connaît ce
jour et vous attendra en armes pour vous frapper de mort, et je
mourrais après vous.
    – Nous viendrons le mardi suivant, dirent-ils. Ce jour-là,
Ulenspiegel et Nele dormaient sans craindre les diables, car ils
croyaient qu’ils ne venaient que le samedi.
    Katheline se leva et alla voir dans le
keet
si ses amis
étaient venus.
    Elle était bien impatiente, car depuis qu’elle avait revu
Hanske, sa souffrance de folie avait grandement diminué, car
c’était folie amoureuse, disait-on.
    Ne les voyant pas, elle fut navrée ; quand elle entendit du
côté de Sluys, dans la campagne, crier l’orfraie, elle marcha vers
le cri. Cheminant dans la prairie au bas d’une digue de fascines et
de gazon, elle entendit de l’autre côté de la digue les deux
diables causant ensemble. L’un disait :
    – J’en aurai la moitié.
    L’autre répondait :
    – Tu n’en auras rien, ce qui est à Katheline est à moi.
    Puis ils blasphémèrent, se disputant à eux deux à qui aurait
seul le bien et les amours de Katheline et de Nele tout ensemble.
Transie de peur, n’osant parler ni bouger, Katheline les entendit
bientôt s’entre-battre, puis l’un d’eux disant :
    – Ce fer est froid. Puis un râle et la chute d’un corps
lourd.
    Peureuse elle marcha jusqu’à sa chaumine. À deux heures de la
nuit elle entendit de nouveau, mais dans son clos, le cri de
l’orfraie. Elle alla pour ouvrir et vit devant la porte son diable
ami seul. Elle lui demanda :
    – Qu’as-tu fait de l’autre ?
    – Il ne viendra plus, répondit-il.
    Puis l’embrassant, il la caressa. Et il lui parut plus froid que
de coutume. Et l’esprit de Katheline était bien éveillé. Quand il
s’en fut, il lui demanda vingt florins, tout ce qu’elle
avait : elle lui en donna dix-sept.
    Le lendemain, curieuse, elle alla le long de la digue ;
mais elle ne vit rien, sinon à une place grande comme un cercueil
d’homme, du sang sur le gazon plus mou sous le pied. Mais le soir,
la pluie lava le sang.
    Le mercredi suivant, elle entendit encore dans son clos le cri
de l’orfraie.

LXXXII
     
    Chaque fois qu’il en avait besoin pour payer chez Katheline leur
dépense commune, Ulenspiegel allait la nuit lever la pierre du trou
creusé près du puits et prenait un carolus.
    Un soir, les trois femmes étaient à filer ; Ulenspiegel
sculptait au couteau une boîte que lui avait recommandée le bailli
et dans laquelle il gravait habilement une belle chasse, avec une
meute de chiens de Hainaut, de molosses de Candie, qui sont bêtes
très féroces, de chiens de Brabant marchant par paires et nommés
les mangeurs d’oreilles, et d’autres chiens tors, retors, mopses,
trapus et lévriers.
    Katheline étant présente, Nele demanda à Soetkin si elle avait
bien caché son trésor. La veuve lui répondit sans méfiance qu’il ne
pouvait être mieux qu’à côté du mur du puits.
    Vers la minuit qui était de jeudi, Soetkin fut éveillée par
Bibulus Schnouffius, qui aboya très aigrement, mais non longtemps.
Jugeant que c’était quelque fausse alerte, elle se rendormit.
    Le vendredi matin, au petit jour, Soetkin et Ulenspiegel,
s’étant levés, ne virent point, comme de coutume, Katheline dans la
cuisine, ni le feu allumé, ni le lait bouillant sur le feu. Ils en
furent ébahis et regardèrent si de hasard elle ne serait point dans
le clos. Ils l’y virent, nonobstant qu’il bruinât, échevelée, en
son linge, mouillée et transie, mais n’osant entrer.
    Ulenspiegel allant à elle, lui dit :
    – Que fais-tu là, presque nue, quand il pleut ?
    – Ah ! dit-elle, oui, oui, grand prodige !
    Et elle montra le chien égorgé et tout roide.
    Ulenspiegel songea aussitôt au trésor ; il y courut. Le
trou en était vide et la terre

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