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LA LETTRE ÉCARLATE

LA LETTRE ÉCARLATE

Titel: LA LETTRE ÉCARLATE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nathaniel Hawthorne
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hommes s’abusent, dit Roger Chillingworth avec plus de feu que d’habitude et en faisant un léger geste de l’index. Ils ont peur d’assumer la honte qui leur revient. De pieux sentiments comme l’amour des hommes et le dévouement au service de Dieu peuvent fort bien coexister en leur âme avec les mauvais hôtes qu’ils y laissèrent pénétrer et qui y engendrent une espèce infernale. Mais s’ils cherchent à glorifier le Seigneur, qu’ils ne lèvent point aux cieux des mains souillées ! S’ils veulent être utiles à leurs semblables, qu’ils leur rendent manifeste l’existence de la conscience en se contraignant à l’humiliation d’un aveu marqué au coin du repentir ! Me voudriez-vous, ô mon sage et pieux ami, voir conclure qu’en ce qui concerne la gloire de Dieu et le salut de l’homme, un faux-semblant l’emporte sur la vérité ? Croyez-moi, des hommes pareils s’abusent !
    – Peut-être, dit le jeune pasteur avec indifférence comme pour écarter une discussion qui lui eût paru intempestive. Il avait, en effet, le don d’échapper aux arguments qui agitaient son tempérament trop nerveux et sensible. Mais je voudrais, à présent, apprendre de mon très savant médecin s’il estime, en toute vérité, que j’ai profité des bons soins qu’il donne à ma misérable charpente.
    Avant que Roger Chillingworth pût répondre, les deux hommes entendirent les éclats clairs d’un impétueux rire d’enfant résonner à côté, dans le cimetière. Regardant instinctivement par la fenêtre ouverte – car on se trouvait en été – le pasteur vit Hester Prynne et la petite Pearl en train de suivre le chemin qui traversait l’enclos funèbre. Pearl était aussi belle que le jour mais en proie à un de ces accès de gaieté perverse qui semblaient l’entraîner au-delà du cercle des humains. Elle se mit à sauter irrévérencieusement d’une tombe à l’autre jusqu’à ce qu’elle arrivât à la pierre tombale, large, plate et armoriée d’une sommité défunte – celle peut-être du vieil Isaac Johnson lui-même. Alors elle se mit à danser dessus. En réponse aux injonctions et supplications de sa mère pour qu’elle se comportât plus convenablement, la petite Pearl s’arrêta et se mit à ramasser les feuilles d’une haute bardane qui avait poussé près de la tombe. Elle en cueillit une grande poignée et se mit à les disposer au long des jambages de la lettre écarlate où elles adhérèrent grâce à leurs menues épines. Hester ne les enleva pas.
    Roger Chillingworth s’était entre-temps approché de la fenêtre. Il souriait d’un sombre sourire.
    – Aucun sens de la règle, aucun respect de l’autorité, aucun souci de l’opinion n’entrent dans la composition de cette enfant, remarqua-t-il, tout autant pour lui que pour son compagnon. Je la vis l’autre jour dans le Chemin de la Fontaine asperger le Gouverneur lui-même avec l’eau de l’abreuvoir. Pareil lutin est-il bon ou mauvais ? Qu’est donc au juste cette enfant ? Est-elle capable d’affection ? Quel principe de vie peut-on lui découvrir ?
    – Aucun, sinon la liberté née d’une loi enfreinte, répondit le Révérend Dimmesdale avec tranquillité comme s’il venait de débattre la question en lui-même. Quant à être ou non capable de bien, je ne sais.
    L’enfant entendit sans doute leurs voix car, levant les yeux vers la fenêtre avec un brillant mais méchant sourire d’intelligence, elle lança une épineuse feuille de bardane au Révérend Dimmesdale. Le pasteur recula d’un mouvement de crainte nerveuse devant le léger projectile. Son émotion n’échappa point à l’enfant qui se mit à battre des mains avec un ravissement excessif. Machinalement Hester Prynne avait, elle aussi, levé les yeux et ces quatre personnes jeunes et vieilles se regardèrent en silence jusqu’à ce que l’enfant se mît à rire tout haut et s’écriât :
    – Viens-t’en, Mère, ou le vieil homme noir là-bas te va prendre ! Il a déjà pris le pasteur. Viens-t’en, Mère, ou il te va prendre aussi ! Mais il ne prendra pas la petite Pearl !
    Ainsi entraîna-t-elle sa mère, sautillant, dansant, bondissant fantastiquement parmi les monticules des défunts comme une créature qui n’aurait rien à voir avec les générations mortes et enterrées. On eût dit qu’elle avait été faite avec des éléments nouveaux, de sorte qu’il ne pouvait que lui être permis de vivre une vie

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