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LA LETTRE ÉCARLATE

LA LETTRE ÉCARLATE

Titel: LA LETTRE ÉCARLATE Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nathaniel Hawthorne
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qui convenaient aux travaux respectifs d’un pasteur et d’un médecin. Par le soin maternel de la bonne veuve, l’appartement de la façade exposée au soleil avait été assigné au Révérend Dimmesdale et sa fenêtre garnie d’un lourd rideau afin de pouvoir créer à volonté une ombre crépusculaire. Les murs étaient revêtus de tapisseries tissées, disait-on, par les métiers des Gobelins où l’histoire de David, de Bethsabée et du prophète Nathan {60} était représentée en couleurs que le temps n’avait point fanées encore mais qui rendaient la belle jeune femme aussi farouchement pittoresque que le vieux prophète de malheur.
    En cette salle, le pasteur aux joues pâles empila les in-folio reliés en parchemin de sa bibliothèque riche en œuvres des Pères de l’Église, en science des rabbins, en cette érudition monacale à laquelle les prêtres protestants, même s’ils vilipendaient les moines, se voyaient souvent contraints d’avoir recours.
    De l’autre côté de la maison, Roger Chillingworth installa son cabinet et son laboratoire – qu’un savant moderne n’eût, bien entendu, pas considéré comme à demi complet. Il était cependant pourvu d’un appareil à distiller et de tout ce qu’il fallait pour composer les mélanges et drogues qu’en alchimiste expérimenté il savait fort bien employer ensuite.
    Étant ainsi commodément installés, les deux savants personnages se mirent au travail chacun en son domaine, mais tout en passant familièrement d’un appartement dans l’autre pour inspecter, non sans curiosité, la besogne du voisin.
    Et les amis les plus sensés du Révérend Dimmesdale imaginèrent très raisonnablement, ainsi que nous l’avons indiqué, que la Providence, assiégée par maintes prières publiques, privées et secrètes, avait ordonné tout ceci afin de rétablir la santé de son jeune ministre. Mais il nous faut maintenant dire qu’une autre partie de la communauté avait adopté un autre point de vue sur les rapports entre le Révérend Dimmesdale et le vieux médecin. Quand une multitude ignorante tente de voir de ses yeux, elle est on ne peut plus encline à se laisser abuser. Mais lorsqu’elle juge, comme elle le fait d’habitude, d’après les intuitions de son grand cœur chaleureux, elle arrive souvent à des conclusions si sûres qu’elles prennent le caractère de vérités révélées surnaturellement. Dans le cas présent, le peuple ne pouvait justifier sa prévention contre Roger Chillingworth par aucun fait, par aucun argument valant la peine d’être réfuté. Un vieil artisan, qui avait été citoyen de Londres au temps du meurtre de Sir Thomas Overbury {61} – à présent vieux de quelque trente ans – avait bien dit son mot : il prétendait avoir rencontré le médecin sous un autre nom, que l’auteur a oublié, en compagnie du docteur Forman {62} , le célèbre vieux conspirateur qui fut impliqué dans cette sombre affaire. Deux ou trois autres personnes insinuaient que durant sa captivité chez les Indiens, le docteur Chillingworth devait avoir ajouté à ses talents de médecin, l’art des incantations propre aux prêtres sauvages. Ceux-ci étaient, tout le monde le savait bien, de puissants enchanteurs qui accomplissaient souvent des cures d’allure miraculeuse parce que très versés dans la magie noire. Quantité de gens – et parmi eux des personnes de jugement si rassis et douées d’un sens de l’observation si pratique que leur avis eût été à considérer en toute autre question – affirmaient que Roger Chillingworth avait beaucoup changé depuis son arrivée et surtout depuis qu’il habitait avec le Révérend Dimmesdale. Au début, son expression était calme, méditative, tout à fait celle d’un savant. Maintenant, ces gens disaient lui voir au visage quelque chose de laid et de méchant qu’ils n’avaient pas remarqué auparavant et qui vous frappait d’autant plus que vous le regardiez plus souvent. Selon les idées du vulgaire, le feu de son laboratoire était alimenté par le charbon de l’enfer ; aussi pouvait-on bien s’attendre à en voir la fumée lui noircir le visage.
    Enfin, brochant sur le tout, une opinion se répandait largement d’après laquelle le Révérend Arthur Dimmesdale était, comme maints autres saints avant lui, hanté soit par Satan lui-même, soit par un de ses émissaires. Cet agent infernal, qui se présentait sous l’apparence de Roger Chillingworth,

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