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La Loi des mâles

La Loi des mâles

Titel: La Loi des mâles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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forêt.
    Les villes se barricadaient ;
les artisans, instruits par l’exemple des communes flamandes, affûtaient leurs
couteaux, et les échevins gardaient liaison avec les émissaires de Gaucher.
Robert aimait les batailles en rase campagne ; il détestait la guerre de
siège. Les bourgeois de Saint-Omer ou de Calais lui fermaient-ils leurs portes
au nez ? Il haussait les épaules en disant :
    — Je reviendrai un autre jour
et vous ferai tous crever !
    Et il allait s’ébattre plus loin.
    Mais l’argent commençait à devenir
rare. Valois ne répondait plus aux demandes, et ses rares messages ne
contenaient que de bons sentiments et des exhortations à la sagesse. Tolomei,
le cher banquier Tolomei, faisait lui aussi la sourde oreille. Il était en
voyage ; ses commis n’avaient pas d’ordre… Le pape lui-même se mêlait de
l’affaire ; il avait écrit personnellement à Robert et à plusieurs barons
d’Artois pour leur rappeler leurs devoirs…
    Puis un matin de la fin d’octobre,
le régent, comme il tenait conseil, déclara avec la grande tranquillité dont il
accompagnait ses décisions :
    — Notre cousin Robert a trop
longuement moqué notre pouvoir. Puisqu’il faut nous résoudre à la guerre, nous
prendrons donc contre lui l’oriflamme à Saint-Denis, le dernier jour de ce
mois, et comme messire Gaucher est absent, l’ost que je conduirai moi-même sera
placé sous le commandement de notre oncle…
    Tous les regards se tournèrent vers
Charles de Valois, mais Philippe continua :
    — … de notre oncle,
Monseigneur d’Évreux. Nous aurions volontiers confié cette charge à Monseigneur
de Valois, qui a fait ses preuves de grand capitaine, si celui-ci n’avait à se
rendre en ses terres du Maine pour y percevoir les annates de l’Église.
    — Je vous remercie, mon neveu,
répondit Valois, car vous savez que j’aime bien Robert, et que, tout en
désapprouvant sa révolte qui est grosse sottise d’entêté, j’aurais eu déplaisir
à porter les armes contre lui.
    L’armée que réunit le régent pour
monter en Artois ne ressemblait en rien à l’ost démesuré que son frère, seize
mois plus tôt, avait enlisé dans les Flandres. L’ost pour l’Artois se composait
des troupes permanentes et de levées faites dans le domaine royal. Les soldes y
étaient élevées : trente sols par jour pour le banneret, quinze sols pour
le chevalier, trois sols pour l’homme de pied. On appela non seulement les
nobles, mais aussi des roturiers. Les deux maréchaux, Jean de Corbeil et Jean
de Beaumont, seigneur de Clichy, dit le Déramé, rassemblèrent les bannières.
Les arbalétriers de Pierre de Galard étaient déjà sur pied. Geoffroy Coquatrix,
depuis deux semaines, avait reçu secrètement des instructions pour prévoir les
transports et les fournitures.
    Le 30 octobre, Philippe de Poitiers
prit l’oriflamme à Saint-Denis. Le 4 novembre, il était à Amiens, d’où il
envoya aussitôt son second chambellan, Robert de Gamaches, escorté de quelques
écuyers, porter au comte d’Artois une dernière sommation.
     

V

L’OST DU RÉGENT FAIT UN PRISONNIER
    Le chaume pourrissait, grisâtre, sur
les champs argileux et dénudés. De lourdes nuées roulaient dans le ciel
d’automne et l’on eût dit que là-bas, au bout du plateau, le monde finissait.
Le vent aigrelet, soufflant par courtes bouffées, avait un arrière-goût de
fumée.
    En avant du village de Bouquemaison,
à l’endroit même où, trois mois auparavant, le comte Robert était entré en
Artois, l’armée du régent se tenait déployée en bataille, et les pennons
frissonnaient au sommet des lances sur près d’une demi-lieue de front.
    Philippe de Poitiers, entouré de ses
principaux officiers, se trouvait au centre, à quelques pas de la route. Il
avait croisé ses mains gantées de fer sur le pommeau de sa selle ; il
était tête nue. Un écuyer, derrière lui, portait son heaume.
    — C’est donc ici qu’il t’a
affirmé qu’il viendrait se rendre ? demanda le régent à Robert de
Gamaches, rentré de sa mission le matin.
    — Ici même, Monseigneur,
répondit le second chambellan. Il a choisi le lieu… « Dans le champ auprès
de la borne que surmonte une croix… » m’a-t-il dit. Et il m’a assuré qu’il
y serait à l’heure de tierce.
    — Et tu es certain qu’il
n’existe point d’autre borne surmontée de croix dans les alentours ? Car
il serait bien capable de nous jouer là-dessus,

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