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La Loi des mâles

La Loi des mâles

Titel: La Loi des mâles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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déjà trop fait pour le royaume, et trop rêvé à ce qu’il fallait faire,
pour courir le risque d’être privé du pouvoir. Son frère Louis, à tout prendre,
avait été un mauvais roi, et, de surcroît, un assassin… Peut-être était-ce la
volonté de la Providence que de punir le meurtrier par le meurtre, et de
remettre la France en meilleures mains.
    — Dieu vous jugera, ma mère,
Dieu vous jugera, dit-il. Je voudrais éviter seulement que les flammes de
l’enfer ne commencent, à cause de vous, de nous lécher tous en notre vivant. Il
me faut donc payer les dettes de votre crime, et ne pouvant vous mettre en
geôle, je suis forcé, en effet, de vous soutenir… Votre machination était bien
combinée. Messire Gaucher recevra dès après-demain d’autres instructions. Je ne
vous cache pas qu’elles me pèsent.
    Mahaut voulut l’embrasser. Il la
repoussa.
    — Mais sachez bien, reprit-il,
que désormais mes plats seront goûtés trois fois et qu’à la première douleur
d’estomac qui me point un peu, vos heures à vivre seront petitement comptées.
Priez donc pour ma santé.
    Mahaut baissa le front.
    — Je vous servirai tant, mon
fils, dit-elle, que vous finirez par me rendre votre amour.
     

IV

« PUISQU’IL FAUT NOUS RÉSOUDRE À LA GUERRE…»
    Nul ne comprit, et surtout pas
Gaucher de Châtillon, le revirement de Philippe dans les affaires d’Artois. Le
régent, désavouant brusquement ses envoyés, déclara inacceptable la
conciliation qu’ils avaient préparée et exigea la rédaction de nouvelles
conventions plus favorables à Mahaut. Le résultat ne se fit pas attendre. Les
négociations furent rompues et ceux qui les menaient du côté artésien,
représentant l’élément modéré de la noblesse, rejoignirent aussitôt le clan des
violents. Leur indignation était extrême ; le connétable les avait
vilainement joués ; la force en vérité était le seul recours. Le comte
Robert triomphait.
    — Vous avais-je assez dit qu’on
ne pouvait s’accorder avec ces félons ? répétait-il à chacun.
    Suivi de son armée d’insurgés, il
marcha de nouveau sur Arras. Gaucher, qui se trouvait dans la ville avec
seulement une petite escorte, n’eut que le temps de s’enfuir par la porte de
Péronne tandis que Robert, toutes bannières déployées et trompettes sonnantes,
entrait par la porte de Saint-Omer. Il s’en fallut d’un quart d’heure que le
connétable de France ne fût fait prisonnier. Cette aventure se passait le 22
septembre. Le jour même, Robert adressait à sa tante la lettre suivante :
    « À très haute et très noble
dame Mahaut d’Artois, comtesse de Bourgogne, Robert d’Artois, chevalier. Comme
vous avez empêché à tort mon droit de la comté d’Artois, dont moult me noise et
à tous les jours me pèse, laquelle chose je ne puis ni ne veux plus souffrir,
ci vous fais savoir que j’y vais mettre ordre et recouvrer mon bien le plus tôt
que je pourrai. »
    Robert n’était pas grand
épistolier ; les nuances de finesse n’étaient pas son fort, et il était
très satisfait de cette épître, parce qu’elle exprimait bien ce qu’il voulait
dire.
    Le connétable, lorsqu’il parvint à
Paris, n’avait pas trop aimable figure, et lui non plus ne mâcha pas ses mots
au comte de Poitiers. La personne du régent ne l’intimidait pas ; il avait
vu ce jeune homme naître et mouiller ses langes ; il le lui dit tout
droit, en ajoutant que c’était faire mauvais usage d’un bon serviteur et d’un fidèle
parent qui comptait vingt ans de commandement des armées du royaume, que de
l’envoyer traiter sur des assurances qu’on reniait ensuite.
    — Je passais jusqu’à ce jour,
Monseigneur, pour homme loyal, dont la parole promise ne pouvait être mise en
doute. Vous m’avez fait jouer un rôle de traître et de larron. Quand j’ai
soutenu vos droits à la régence, je pensais retrouver en vous un peu de mon
roi, votre père, avec lequel jusqu’ici vous donniez des preuves de semblance.
Je vois que je me suis cruellement mépris. Êtes-vous tombé si fort sous tutelle
de femme que vous changiez à présent d’avis comme de cotte ?
    Philippe s’efforça de calmer le
connétable, s’accusant d’avoir d’abord mal jugé l’affaire, et d’avoir donné des
instructions erronées. Rien ne servait de transiger avec la noblesse d’Artois
tant que Robert ne serait pas abattu. Robert constituait un danger pour le
royaume, et un péril pour

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