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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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galères
armées. Il nous a autorisé la dîme, mais il rechigne aux douze cent mille
livres par an, que nous lui demandons pendant cinq ans que durera la croisade,
et surtout aux quatre cent mille livres nécessaires au roi de France pour les
frais accessoires…
    « Dont trois cent mille déjà
réservées au bon Charles de Valois lui-même, pensait Robert d’Artois. À ce
prix-là, on peut bien commander une croisade ! J’aurais mauvaise grâce à
chicaner, puisqu’une part doit m’en revenir [20]  ! »
    — Ah ! si j’eusse été à
Lyon, à la place de mon défunt neveu Philippe, lors du dernier conclave,
s’écria Valois, j’aurais, sans médire de notre Très Saint-Père, choisi un
cardinal qui comprît plus clairement l’intérêt de la chrétienté et qui se fît
moins tirer la manche !
    — Surtout depuis que nous avons
pendu son neveu à Montfaucon, ce dernier mois de mai, observa Robert d’Artois.
    Mortimer se tourna sur son siège et
regarda Robert d’Artois, surpris, en disant :
    — Un neveu du pape ? Quel
neveu ?
    — Comment, mon cousin, vous ne
savez pas ? dit Robert d’Artois en profitant de l’occasion pour se lever,
car il avait du mal à rester longtemps immobile ; et il alla repousser de
sa botte les bûches qui brûlaient dans l’âtre.
    Mortimer avait déjà cessé pour lui
d’être « mon Lord » et il était devenu « mon cousin », à
cause d’une lointaine parenté qu’ils s’étaient découverte par les
Fiennes ; avant peu il serait « Roger », sans plus d’histoires.
    — Eh non, au fait, comment
l’auriez-vous su ? reprit Robert. Vous étiez en geôle par la grâce de
votre ami Édouard… Il s’agit d’un baron gascon, Jourdain de l’Isle, auquel le
Saint-Père avait donné une sienne nièce en mariage, et qui commit quelques
minces méfaits, à savoir voleries, homicides, forcer dames, dépuceler pucelles,
et un peu de bougrerie sur les jouvenceaux par surcroît. Il entretenait autour
de lui voleurs, meurtriers et autres gens de mauvaise merdaille qui
dépouillaient, pour son compte, clercs et laïcs. Comme le pape le protégeait,
on lui fit grâce de ces peccadilles, sous la promesse qu’il s’amenderait. Le
Jourdain ne sut mieux faire, pour prouver sa pénitence, que de se saisir d’un
sergent royal qui venait lui délivrer une sommation, et de le faire empaler… Sur
quoi ? Sur le bâton à fleur de lis que le sergent portait !
    Robert d’Artois eut un grand rire
qui trahissait son naturel penchant pour la canaille.
    — On ne sait à vrai dire quel
était plus grand crime, d’avoir occis un officier du roi ou d’avoir enduit les
fleurs de lis de la crotte d’un sergent. Le sire Jourdain fut pendu au gibet de
Montfaucon, où vous pourrez le voir encore, si d’aventure vous passez par là.
Les corbeaux lui ont laissé peu de chair. Depuis, nous sommes en fraîcheur avec
Avignon.
    Et Robert se remit à rire, la gueule
en l’air, les pouces dans la ceinture ; et sa joie était si sincère que
Roger Mortimer lui-même se mit à rire, par contagion. Et Valois riait aussi, et
son fils Philippe…
    Cela les rendit plus amis de rire
ensemble. Mortimer se sentit soudain admis dans le groupe Valois et se détendit
un peu. Il regardait avec sympathie le visage de Monseigneur Charles, un visage
large, haut en couleurs, d’homme qui mangeait trop et que le pouvoir privait de
prendre assez d’exercice. Mortimer n’avait pas revu Valois depuis de rapides
rencontres, une fois en Angleterre d’abord, pour les fêtes du mariage de la
reine Isabelle, et puis une seconde fois, en 1313, en accompagnant les
souverains anglais à Paris, pour le premier hommage. Et tout cela qui semblait
hier était déjà bien loin. Dix ans ! Monseigneur de Valois, un homme
encore jeune à l’époque, était devenu ce personnage massif, imposant…
Allons ! il ne fallait pas perdre le temps de vivre, ni négliger
l’occasion de l’aventure. Cette croisade, après tout, commençait de plaire à
Roger Mortimer.
    — Et quand donc, Monseigneur,
vos nefs lèveront-elles l’ancre ? demanda-t-il.
    — Dans dix-huit mois je pense,
répondit Valois. Je vais renvoyer en Avignon une troisième ambassade, pour
arrêter définitivement la fourniture des subsides, les bulles d’indulgences, et
l’ordre de combat.
    — Et ce sera belle chevauchée,
Monseigneur de Mortimer, où il faudra vaillance, et où les farauds auront à
montrer autre chose que ce

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