Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
Vom Netzwerk:
républiques de Gênes et de
Venise qui, sur la demande du Très Saint-Père, nous apporteront l’appui de
leurs galères. Vous ne serez donc pas en mauvaise compagnie, et je tiendrai à
ce que chacun respecte et honore en vous le haut seigneur que vous êtes. La
France, dont vos ancêtres sont venus, verra à mieux reconnaître vos mérites que
ne semble le faire l’Angleterre.
    Mortimer inclina le front en
silence. Cette assurance valait ce qu’elle valait ; il veillerait à ce
qu’elle ne restât pas simplement de parole.
    — Car voici cinquante ans et
plus, reprit Monseigneur de Valois, qu’on ne fait rien de grand en Europe pour
le service de Dieu ; depuis mon grand-père Saint Louis, tout exactement,
qui, s’il y gagna le Ciel, y laissa la vie. Les Infidèles, encouragés par notre
absence, ont relevé la tête et se croient partout les maîtres ; ils ravagent
les côtes, pillent les bateaux, entravent le commerce et, par leur seule
présence, profanent les lieux saints. Nous, qu’avons-nous fait ? Nous nous
sommes, d’année en année, repliés de toutes nos possessions, de tous nos
établissements ; nous avons abandonné les forteresses que nous avions
construites, négligé de défendre les droits sacrés que nous nous étions acquis.
Ces temps sont révolus. Au début de l’année, les députés de la Petite Arménie
sont venus nous demander secours contre les Turcs. Je rends grâces à mon neveu,
le roi Charles Quatrième, d’avoir compris tout l’intérêt de leur démarche et
d’avoir appuyé la suite que j’y ai donnée ; au point qu’à présent il s’en
arroge même l’idée première ! Mais enfin il est bon qu’il y croie. Ainsi,
avant peu, et nos forces rassemblées, nous allons partir et attaquer en terres
lointaines les Barbaresques.
    Robert d’Artois, qui entendait ce
discours pour la centième fois, opinait de la tête d’un air pénétré, tout en
s’amusant secrètement de l’ardeur que montrait son beau-père à exposer les
belles causes. Car Robert connaissait les dessous du jeu. Il savait qu’on avait
effectivement projet de courir aux Turcs, mais en bousculant aussi un peu les
chrétiens sur le passage ; car l’empereur Andronic Paléologue, qui régnait
à Byzance, n’était pas le tenant de Mahomet, qu’on sache ? Sans doute, son
Église n’était pas tout à fait la bonne, et l’on y faisait le signe de croix à
l’envers ; mais c’était tout de même le signe de croix ! Or,
Monseigneur de Valois poursuivait toujours l’idée de reconstituer à son profit
le fameux empire de Constantinople, étendu non seulement sur les territoires
byzantins, mais sur Chypre, sur Rhodes, sur l’Arménie, sur tous les anciens
royaumes Courtenay et Lusignan. Et quand il arriverait là-bas, le comte
Charles, avec toutes ses bannières, Andronic Paléologue, à ce qu’on pouvait
savoir, ne pèserait pas lourd. Monseigneur de Valois roulait dans sa tête des
rêves de César…
    À remarquer, d’ailleurs, qu’il usait
assez bien d’une manœuvre qui consistait à toujours demander le plus afin
d’obtenir un peu. Ainsi, il avait essayé d’échanger son commandement de la
croisade et ses prétentions au trône de Constantinople contre le petit royaume
d’Arles, sur le Rhône, à condition qu’on y adjoignît le Viennois. La
négociation, entamée au début de l’année avec Jean de Luxembourg, avait échoué
par l’opposition du comte de Savoie, et par celle surtout du roi de Naples,
lequel ne tenait nullement à voir son turbulent parent se constituer un royaume
indépendant au bord de ses possessions de Provence. Alors Monseigneur de Valois
s’était remis avec plus d’entrain à la sainte expédition. Il était dit que
cette couronne souveraine qui lui avait échappé en Espagne, en Allemagne, en
Arles même, il lui faudrait aller la chercher à l’autre bout de la terre !
    — Certes, tous les empêchements
ne sont pas encore surmontés, poursuivit Monseigneur de Valois. Nous sommes
encore en argument avec le Saint-Père sur le nombre de chevaliers et sur les
soldes à leur donner. Nous voulons huit mille chevaliers et trente mille hommes
à pied, et que chaque baron reçoive vingt sols le jour, chaque chevalier
dix ; sept sous et six deniers pour les écuyers, deux sous aux hommes de
pied. Le pape Jean veut me faire étrécir mon armée à quatre mille chevaliers et
quinze mille hommes de piétaille ; il me promet toutefois douze

Weitere Kostenlose Bücher