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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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et
pensait à la tristesse d’un foyer sans enfants. Le fils de Guccio devait
atteindre ces jours-ci ses sept ans ; et jamais Tolomei ne l’avait vu. La
mère s’y opposait…
    Le banquier frottait sa jambe droite
qu’il sentait pesante et refroidie, comme s’il y avait eu des fourmis. La mort
vous tire de la sorte par les pieds, à petits coups, pendant des années… Tout à
l’heure, avant de se mettre au lit, il se ferait porter un bassin d’eau chaude
pour y plonger la jambe.
     

IV

LA FAUSSE CROISADE
    — Monseigneur de Mortimer, je
vais avoir grande nécessité de chevaliers vaillants et preux, tels que vous
l’êtes, pour entrer dans ma croisade, déclara Charles de Valois. Vous m’allez
juger bien orgueilleux de dire « ma croisade » alors qu’en vérité
c’est celle de Notre-Seigneur Dieu ; mais je dois bien avouer, et tout
chacun me le reconnaît, que si cette grande entreprise, la plus vaste et la
plus glorieuse qui puisse requérir les nations chrétiennes, vient à se faire,
c’est parce que je l’aurai, de mes propres mains, montée. Ainsi, Monseigneur de
Mortimer, je vous le propose tout droit, avec ma franche nature que vous
apprendrez à connaître : voulez-vous être des miens ?
    Roger Mortimer se redressa sur son
siège ; son visage se referma un peu, et ses paupières s’abaissèrent à
demi sur ses yeux couleur de pierre. Était-ce une bannière de vingt cuirasses
qu’on lui offrait de commander, comme à un petit châtelain de province, ou à un
soldat d’aventure échoué là par l’infortune du sort ? Une aumône, cette
proposition !
    C’était la première fois que
Mortimer était reçu par le comte de Valois, lequel jusqu’à présent avait
toujours été pris par ses tâches au Conseil, retenu par les réceptions
d’ambassadeurs étrangers, ou en déplacement à travers le royaume. Mortimer
voyait enfin l’homme qui gouvernait la France et qui venait ce jour même
d’introniser un de ses protégés, Jean de Cherchemont, comme nouveau chancelier [19] .
Mortimer était dans la situation, enviable certes pour un ancien prisonnier à
vie mais pénible pour un grand seigneur, de l’exilé qui vient demander, n’a
rien à offrir et qui attend tout.
    L’entrevue avait lieu à l’hôtel du
roi de Sicile que Charles de Valois avait reçu de son premier beau-père,
Charles de Naples le Boiteux, en présent de noces. Dans la grande salle
réservée aux audiences, une douzaine de personnes, écuyers, courtisans,
secrétaires, s’entretenaient à voix basse, par petits groupes, en tournant
fréquemment leurs regards vers le maître qui recevait, ainsi qu’un vrai
souverain, sur une sorte de trône surmonté d’un dais. Monseigneur de Valois
était vêtu d’une grande robe de maison, en velours bleu brodé de V et de fleurs
de lis, ouverte sur le devant, et qui laissait voir la doublure de fourrure.
Ses mains étaient chargées de bagues ; il portait son sceau privé, gravé
dans une pierre précieuse, pendu à la ceinture par une chaînette d’or, et il
avait pour coiffure une sorte de bonnet de velours maintenu par un cercle d’or
ciselé, une couronne d’appartement. Il était entouré de son fils aîné, Philippe
de Valois, un gaillard à grand nez, bien découplé, qui s’appuyait au dossier du
trône, et de Robert d’Artois, son gendre, installé sur un tabouret, et tendant
vers le foyer ses grandes bottes de cuir rouge.
    — Monseigneur, dit Mortimer
lentement, si l’aide d’un homme qui est le premier parmi les barons des Marches
galloises, qui a gouverné le royaume d’Irlande et commandé en plusieurs
batailles, peut vous être de quelque service, je vous apporterai volontiers
cette aide pour la défense de la chrétienté, et mon sang vous est dès à présent
acquis.
    Valois comprit que le personnage
était fier qui parlait de ses fiefs des Marches comme s’il les tenait encore.
Un homme dont il faudrait ménager l’honneur si l’on voulait en tirer parti.
    — J’ai l’avantage, sire baron,
répondit-il, de voir se ranger sous la bannière du roi de France, c’est-à-dire
la mienne, puisqu’il est entendu dès à présent que mon neveu continuera de
gouverner le royaume pendant que je commanderai la croisade, de voir, dis-je,
se ranger les premiers princes souverains d’Europe : mon parent Jean de
Luxembourg, roi de Bohême, mon beau-frère Robert de Naples et Sicile, mon
cousin Alphonse d’Espagne, en même temps que les

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