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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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parlementaires sortirent de La
Réole et furent conduits à la tente du maréchal de Trye, lequel leur communiqua
les conditions générales de la reddition. La ville serait livrée,
naturellement ; mais également le comte de Kent devrait signer et
proclamer la remise de tout le duché entre les mains du lieutenant du roi de
France. Il n’y aurait ni pillage, ni prisonniers, mais seulement des otages, et
une indemnité de guerre à fixer. En outre, le comte de Valois priait le comte
de Kent à dîner.
    Un grand festin fut apprêté dans le
tref de toile brodée des lis de France où Monseigneur Charles vivait depuis
près d’un mois. Le comte de Kent arriva sous ses plus belles armes, mais pâle
et s’efforçant de contenir, sous un masque de dignité, son humiliation et son
désespoir. Il était escorté du sénéchal Basset et de plusieurs seigneurs
gascons.
    Les deux lieutenants royaux, le
vainqueur et le vaincu, se parlèrent avec quelque froideur, s’appelant
néanmoins « Monseigneur mon neveu », « Monseigneur mon
oncle », ainsi que gens entre qui la guerre ne rompt point les liens de
famille.
    À table, Monseigneur de Valois fit
asseoir le comte de Kent en face de lui. Les chevaliers gascons commencèrent de
s’empiffrer comme ils n’en avaient point eu l’occasion depuis des semaines.
    On s’efforçait à la courtoisie, et
de complimenter l’adversaire sur sa vaillance. Le comte de Kent fut félicité de
sa sortie fougueuse qui avait coûté un maréchal aux Français. Kent répondit en
marquant beaucoup de considération à son oncle pour ses dispositifs de siège et
l’emploi de l’artillerie à feu.
    — Entendez-vous, messire
connétable, et vous tous, Messeigneurs, s’écria Valois, ce que déclare mon
noble neveu… que sans nos bombardes à boulets, la ville aurait pu tenir quatre
mois ? Qu’on en garde souvenir !
    Par-dessus les plats, les coupes et
les brocs, Kent et Mortimer s’observaient.
    Aussitôt le banquet achevé, les
principaux chefs s’enfermèrent pour la rédaction de l’acte de trêve dont les
articles étaient nombreux. Kent, à vrai dire, était prêt à céder sur tout, sauf
sur certaines formules qui contestaient la légitimité des pouvoirs du roi
d’Angleterre, et sur l’inscription des sires Basset et Montpezat en tête de la
liste des otages. Car ces derniers ayant séquestré et pendu des officiers du
roi de France, leur sort n’eût été que trop certain. Or Valois exigeait qu’on
lui remît le sénéchal et le responsable de la révolte de Saint-Sardos.
    Lord Mortimer participait aux
négociations. Il suggéra d’avoir un entretien particulier avec le comte de
Kent. Le connétable Gaucher s’y déclara opposé ; on ne laissait pas
discuter d’une trêve par un transfuge du camp adverse ! Mais Robert
d’Artois et Charles de Valois faisaient confiance à Mortimer. Les deux Anglais
s’isolèrent donc dans un coin du tref.
    — Avez-vous grande inclination,
my Lord, à vous en retourner si tôt en Angleterre ?… demanda Mortimer.
    Kent ne répondit pas.
    — Pour y affronter le roi
Édouard votre frère, dont vous connaissez assez l’injustice et qui vous fera
grief d’une défaite que les Despensers vous ont ménagée ? Car vous avez
été trahi, my Lord, vous ne pouvez l’ignorer. Nous savions que des renforts
vous étaient promis qui ne sont jamais partis d’Angleterre. Et l’ordre au
sénéchal de Bordeaux de n’aller point à votre aide avant l’arrivée de ces
renforts, n’est-ce pas là trahison ? Ne vous surprenez pas de me voir si
bien informé ; je n’en suis redevable qu’aux banquiers lombards… Mais vous
êtes-vous demandé la cause d’une si félonne négligence à votre endroit ?
N’en voyez-vous pas le but ?
    Kent se taisait toujours, la tête un
peu inclinée, et contemplait ses doigts.
    — Vainqueur ici, vous deveniez
redoutable pour les Despensers, my Lord, reprit Mortimer, et preniez trop
d’importance dans le royaume. Ils ont bien préféré vous faire subir le
discrédit d’une reddition, fût-ce au prix de l’Aquitaine dont peu se soucient
des hommes attentifs seulement à voler, l’une après l’autre, les baronnies des
Marches. Comprenez-vous qu’il m’ait fallu, voici trois ans, me rebeller pour
l’Angleterre contre son roi, ou pour le roi contre lui-même ? Qui vous
assure qu’aussitôt rentré vous ne serez pas à votre tour accusé de forfaiture
et jeté en geôle ? Vous êtes

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