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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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apologétique à soutenir et justifier les
thèses hardies du Saint-Père [30] .
    Celui-ci poursuivait :
    — Veuillez donc, messire comte,
ne point trop vous mettre en tracas pour l’hérésie des Maures. Faisons garder
nos côtes contre leurs navires, mais laissons-les au jugement du Seigneur
tout-puissant dont ils sont, après tout, les créatures, et qui avait bien sans
doute quelque intention sur eux. Qui de nous peut affirmer ce qu’il advient des
âmes qui n’ont pas encore été touchées par la grâce de la révélation ?
    — Elles vont en enfer, je
pense, dit naïvement Bouville.
    — L’enfer, l’enfer !
souffla le frêle pape en haussant les épaules. Ne parlez donc point de ce que
vous ignorez. Et ne me contez point non plus… nous sommes trop vieux amis,
messire de Bouville… que c’est pour faire le salut des Infidèles que
Monseigneur de Valois demande à mon Trésor douze cent mille livres de subsides.
D’ailleurs, le comte de Valois, je le sais, n’a plus aussi grand désir de sa
croisade.
    — À vrai dire, Très Saint-Père,
dit Bouville en hésitant un peu… sans être informé comme vous l’êtes, il me
paraît toutefois…
    « Oh ! Le mauvais
ambassadeur ! pensa le pape Jean. Si j’étais à sa place, mais je me ferais
croire à moi-même que Valois a déjà réuni ses bannières, et je ne me tiendrais
point quitte à moins de trois cent mille livres. »
    Il laissa Bouville suffisamment
s’empêtrer.
    — Vous direz à Monseigneur de
Valois, déclara-t-il enfin, que nous renonçons à la croisade ; et comme je
sais Monseigneur un fils très respectueux des décisions de la Sainte Église, je
suis sûr qu’il s’inclinera.
    Bouville se sentait fort malheureux.
Certes, tout le monde était prêt à abandonner le projet de la croisade mais pas
comme cela, en deux phrases, et sans contrepartie.
    — Je ne doute pas, Très
Saint-Père, répondit Bouville, que Monseigneur de Valois ne vous obéisse ;
mais il a déjà engagé, outre l’autorité de sa personne, de grandes dépenses.
    — Combien faut-il à Monseigneur
de Valois pour ne pas trop souffrir d’avoir engagé son autorité
personnelle ?
    — Très Saint-Père, je ne sais,
dit Bouville rougissant, Monseigneur de Valois ne m’a pas chargé de répondre à
telle question.
    — Mais si, mais si ! Je le
connais assez pour savoir qu’il l’avait prévue. Combien ?
    — Il a déjà beaucoup avancé aux
chevaliers de ses propres fiefs afin d’équiper leurs bannières…
    — Combien ?
    — Il s’est préoccupé de cette
nouvelle artillerie à poudre…
    — Combien, Bouville ?
    — Il a passé grosses commandes
d’armes de toutes sortes…
    — Je ne suis pas homme de
guerre, et ne vous demande point le compte des arbalètes. Je vous demande
seulement de me dire la somme par laquelle Monseigneur de Valois se tiendrait
pour dédommagé.
    Il souriait de mettre son
interlocuteur au gril. Et Bouville lui-même ne put s’empêcher de sourire à voir
toutes ses grosses ruses percées comme une écumoire. Allons, il lui fallait le
prononcer ce chiffre ! Il prit une voix aussi chuchotante que celle du
pape pour murmurer :
    — Cent mille livres…
    Jean XXII hocha la tête et
dit :
    — C’est l’exigence habituelle
du comte Charles. Il me paraît même que les Florentins, naguère, pour se
libérer de l’aide qu’il leur avait portée, ont dû lui donner davantage. Aux
Siennois, il en a coûté un peu moins pour qu’il consente à quitter leur ville.
Le roi d’Anjou, en une autre occasion, a dû se saigner d’une somme identique
pour le remercier d’un secours qu’il ne lui avait pas demandé ! C’est un
moyen de finances comme un autre… Votre Valois, savez-vous, Bouville, est un
bien gros larron ! Allons, rapportez-lui la bonne nouvelle… Nous lui
donnerons ses cent mille livres, et notre bénédiction apostolique !
    Il était assez satisfait, en somme,
de s’en tirer à ce prix. Et Bouville, pour sa part, se sentait bien aise ;
sa mission se trouvait accomplie. Discuter avec le souverain pontife comme avec
quelque négociant lombard lui eût été vraiment pénible ! Mais le
Saint-Père avait de ces mouvements qui n’étaient peut-être pas exactement de la
générosité, mais une simple estimation du prix dont il devait payer son
pouvoir.
    — Vous souvenez-vous, messire
comte, continuait le pape, du temps où vous m’apportiez, ici même, cinq mille
livres de la part

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