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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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pour
Monseigneur Charles de Valois. » Il lui semblait qu’il s’attirerait la
clémence du Ciel si dans une même prière on l’unissait à sa victime. Et le
peuple de Paris s’étonnait de ce que le puissant et magnifique seigneur de Valois
demandât d’être nommé auprès de celui qu’il proclamait jadis coupable de tous
les malheurs du royaume, et qu’il avait fait pendre aux chaînes du gibet.
    Le pouvoir, au Conseil, était passé
à Robert d’Artois qui, par la maladie de son beau-frère, se trouvait soudain
promu au premier rang. Le géant parcourait fréquemment, les étriers chaussés à
fond, la route du Perray, pour aller demander un avis au malade. Car chacun
s’apercevait, et d’Artois tout le premier, du vide qui s’ouvrait brusquement à
la direction des affaires de la France. Certes, Monseigneur de Valois était
connu pour un prince assez brouillon, tranchant de tout sans souvent réfléchir
assez, et gouvernant d’humeur plutôt que de sagesse ; mais d’avoir vécu de
cour en cour, de Paris en Espagne et d’Espagne à Naples, d’avoir soutenu les
intérêts du Saint-Père en Toscane, d’avoir participé à toutes les campagnes de
Flandre, d’avoir intrigué pour l’Empire et d’avoir siégé pendant plus de trente
années au Conseil de quatre rois de France, lui était venue l’habitude de
replacer chaque souci du royaume dans l’ensemble des affaires de l’Europe. Cela
s’opérait en son esprit presque de soi-même.
    Robert d’Artois, féru de coutumes et
grand procédurier, n’avait point d’aussi vastes vues. Aussi l’on disait du
comte de Valois qu’il était le « dernier », sans bien pouvoir
vraiment préciser ce que l’on entendait par là, sinon qu’il était le dernier
représentant d’une grande manière d’administrer le monde, et qui allait sans
doute disparaître avec lui.
    Le roi Charles le Bel, indifférent,
se promenait d’Orléans à Saint-Maixent et Châteauneuf-sur-Loire, attendant
toujours que sa troisième épouse lui donnât la bonne nouvelle d’être enceinte.
    La reine Isabelle était devenue,
pour ainsi dire, maîtresse du Palais de Paris, et c’était une seconde cour
anglaise qui se tenait là.
    La date de l’hommage avait été fixée
au 30 août. Édouard attendit donc la dernière semaine du mois pour se mettre en
voyage, puis pour feindre de tomber souffrant en l’abbaye de Sandown, près de Douvres.
L’évêque de Winchester fut envoyé à Paris pour certifier sous serment, s’il en
était besoin, mais ce qu’on ne lui demanda pas, la validité de l’excuse, et
proposer la substitution du fils au père, étant bien entendu que le prince
Édouard, fait duc d’Aquitaine et comte de Ponthieu, apporterait les soixante
mille livres promises.
    Le 16 septembre, le jeune prince
arriva, mais accompagné de l’évêque d’Oxford et surtout de Walter Stapledon,
évêque d’Exeter et Lord trésorier. En choisissant celui-ci, qui était l’un des
plus actifs, des plus âpres partisans du parti Despenser, l’homme aussi le plus
habile, le plus rusé de son entourage et l’un des plus détestés, le roi Édouard
marquait bien sa volonté de ne pas changer de politique. L’évêque d’Exeter n’était
pas chargé seulement d’une mission d’escorte.
    Le jour même de cette arrivée, et
presque au moment où la reine Isabelle serrait dans ses bras son fils retrouvé,
on apprit que Monseigneur de Valois avait fait une rechute de son mal et qu’il
fallait s’attendre à ce que Dieu lui reprît l’âme d’une heure à l’autre.
Aussitôt la famille entière, les grands dignitaires, les barons qui se
trouvaient à Paris, les envoyés anglais, tout le monde se précipita au Perray,
sauf l’indifférent Charles le Bel qui surveillait à Vincennes quelques
aménagements intérieurs commandés à son architecte Painfetiz.
    Et le peuple de France continuait à
vivre sa belle année 1325.
     

VII

CHAQUE PRINCE QUI MEURT…
    À ceux qui ne l’avaient pas vu durant
les dernières semaines, combien Monseigneur de Valois apparaissait
changé ! D’abord, on avait l’habitude qu’il fût toujours coiffé, soit
d’une grande couronne scintillante de pierreries, les jours d’apparat, soit
d’un chaperon de velours brodé dont l’immense crête dentelée lui retombait sur
l’épaule, ou encore d’un de ces bonnets à cercle d’or qu’il portait en
appartement. Pour la première fois, il se montrait en cheveux, des

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