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La Louve de France

La Louve de France

Titel: La Louve de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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leur commun ennemi. Sans l’aide des
Lombards, jamais Valois ne serait venu à bout du coadjuteur.
    On entendit alors la grande Mahaut
d’Artois dire :
    — Dieu vous pardonnera,
Charles, car votre repentance est sincère.
    — La gueuse, prononça Robert
d’Artois assez haut pour être entendu de ses voisins ; elle ose parler de
remords.
    Charles de Valois, négligeant la
comtesse d’Artois, faisait signe au Lombard d’approcher. Le vieux Siennois vint
au bord du lit, souleva la main paralysée, la baisa ; et Valois ne sentit
pas ce baiser.
    — Nous prions pour votre
guérison, Monseigneur, dit Tolomei.
    Guérison ! le seul mot de
réconfort que Valois eût entendu parmi tous ces gens dont aucun ne mettait sa
mort en doute et qui attendaient son dernier soupir comme une nécessaire
formalité ! Guérison… Le banquier lui disait-il cela par complaisance ou
bien le pensait-il vraiment ? Ils se regardèrent et, dans le seul œil
ouvert de Tolomei, cet œil sombre et rusé, le moribond vit une expression de
complicité. Un œil enfin d’où il n’était pas éliminé !
    — Item, item, reprit Valois en
pointant l’index vers le notaire, je veux et commande que toutes mes dettes
soient payées par mes enfants.
    Ah ! C’était un beau legs qu’il
faisait par ces mots à Tolomei, et plus lourd que tous les rubis et tous les
reliquaires ! Et Philippe de Valois, et Charles d’Alençon, et Jeanne la
Boiteuse, et la comtesse de Blois prirent tous la même mine déconfite. Il avait
bien besoin de venir, ce Lombard !
    — Item, à Aubert de Villepion,
mon chambellan, une somme de deux cents livres tournois ; à Jean de
Cherchemont qui fut mon chancelier avant d’être celui de France, autant ;
à Pierre de Montguillon, mon écuyer…
    Voilà que Monseigneur de Valois
était repris par ce goût de largesse qui lui avait si fort coûté tout au long
de sa vie. Il voulait récompenser royalement ceux qui l’avaient servi. Deux
cents, trois cents livres ; ce n’étaient point legs énormes, mais
lorsqu’il en existait quarante, cinquante à la file et qui s’ajoutaient aux
legs religieux… L’or du pape, déjà bien écorné, n’allait pas y suffire, ni une
année de revenus de tout l’apanage Valois. Il serait donc prodigue, Monseigneur
Charles, jusques après son trépas !
    Mahaut s’était rapprochée du groupe
anglais. Elle avait salué Isabelle d’un regard où luisait une vieille haine,
souri au petit prince Édouard comme si elle l’eût voulu mordre, et enfin elle
avait regardé Robert.
    — Mon bon neveu, te voilà bien
en peine ; c’était un vrai père pour toi… dit-elle à voix basse.
    — Et pour vous aussi, ma bonne
tante, c’est là un coup navrant, répondit-il de même. Vous comptez à peu près
le même nombre d’ans que Charles. L’âge où l’on meurt…
    Dans le fond de la salle, on
entrait, on sortait. Isabelle s’aperçut soudain que l’évêque Stapledon avait
disparu ; ou plus exactement qu’il était en train de disparaître, car elle
le vit qui franchissait la porte, de ce mouvement onctueux, glissant et assuré
qu’ont les ecclésiastiques pour traverser les foules. Et le chanoine d’Hirson, le
chancelier de Mahaut filait dans son sillage. La géante suivait du regard cette
sortie elle aussi, et les deux femmes se surprirent dans leur commune
observation.
    Isabelle aussitôt se posa
d’inquiètes questions. Que pouvaient avoir à se dire Stapledon, l’envoyé de ses
ennemis, et le chancelier de la comtesse ? Et comment se
connaissaient-ils, alors que Stapledon était arrivé de la veille ? Les
espions d’Angleterre avaient travaillé du côté de Mahaut, ce n’était que trop
évident. « Elle a toutes raisons de vouloir se venger et me nuire, pensait
Isabelle. J’ai dénoncé autrefois ses filles… Ah ! Comme je voudrais que
Roger fût là ! Que n’ai-je insisté pour qu’il vienne ! »
    Les deux ecclésiastiques en vérité
n’avaient guère eu de peine à se joindre. Le chanoine d’Hirson s’était fait
désigner l’envoyé d’Édouard.
    — Reverendissimus
sanctissimusque Exeteris episcopus ? lui avait-il demandé. Ego canonicus
et comitisso Artesiensis cancellarius sum [35] .
    Ils avaient mission de s’aboucher à
la première occasion. Cette occasion venait de se présenter. À présent, assis
côte à côte dans une embrasure de fenêtre, au retrait de l’antichambre, et leur
chapelet en main, ils conversaient en

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