La Louve de France
déplairait, à
présent que l’hommage a été rendu à notre très cher frère le roi de France et
que nous sommes en si bonne voie d’amitié avec lui, que vous fussiez, vous que
nous envoyâmes pour la paix, cause de quelque distance entre nous et pour des
raisons inexactes.
« C’est pourquoi nous vous
mandons, et chargeons, et ordonnons, que toutes excusations cessantes et feints
prétextes, vous reveniez à nous en toute hâte.
« Quant à vos dépenses,
quand vous serez venue comme femme doit faire à son seigneur, nous en
ordonnerons de telle manière que vous n’ayez faute de rien et ne puissiez en
rien être déshonorée.
« Aussi voulons et vous
mandons que vous fassiez notre très cher fils Édouard venir par devers nous à
plus de hâte qu’il pourra, car nous avons moult grand désir de lui voir et
parler.
« L’honorable père en Dieu
Wautier, évêque d’Exestre [38] ,
nous a fait entendre naguère que certains de nos ennemis et bannis, lorsqu’ils
étaient devers vous, le guettèrent pour vouloir faire mal à son corps s’ils en
avaient eu le temps, et que, pour échapper à tels périls, il se hâta devers
nous sur la foi et l’allégeance qu’il nous devait. Nous vous mandons ceci pour
que vous entendiez que ledit évêque, lorsqu’il partit si soudainement de vous,
ne le fit pour autres raisons.
« Donné à Westminster le
premier jour de décembre 1325.
Édouard. »
Si la fureur éclatait dans le début
de la missive et le mensonge ensuite, le venin était bien savamment placé à la
fin.
Une autre lettre, celle-ci plus
courte, était adressée au jeune duc d’Aquitaine :
« Très cher fils, si jeune
et de tendre âge que vous soyez, remembrez-vous bien ce dont nous vous
chargeâmes et que vous commandâmes à votre départir de nous, à Douvres, et ce
que vous nous répondîtes alors, dont nous vous avons su moult bon gré, et ne
dépassez ou contrevenez en nul point ce dont nous vous chargeâmes alors.
« Et puisqu’il est ainsi,
que votre hommage est reçu, présentez-vous devers notre très cher frère le roi
de France votre oncle, et prenez votre congé de lui, et venez par devers nous
en la compagnie de notre très chère compagne la Reine votre mère, si elle vient
tantôt.
« Et si elle ne vient pas
venez en toute hâte sans plus longtemps demeurer ; car nous avons très
grand désir de vous voir et parler ; et ce ne laissez de le faire en
aucune manière, ni pour mère, ni pour autrui. Notre bénédiction. »
Les redites, ainsi qu’un certain
désordre irrité des phrases montraient bien que la rédaction n’avait pas été
confiée au chancelier ni à quelque secrétaire, mais était l’œuvre du roi
lui-même. On pouvait presque entendre la voix d’Édouard dictant ces messages.
Charles IV le Bel n’était pas oublié. La lettre qu’Édouard lui adressait
reprenait et presque terme pour terme, tous les points de la lettre de la
reine.
« Vous avez entendu par gens
dignes de foi, que notre compagne la Reine d’Angleterre n’ose venir par devers
nous par peur de sa vie et doute qu’elle a de Hugh Le Despenser. Certes, très
aimé frère, il ne convient pas qu’elle se doute de lui ni de nul autre homme
vivant en notre royaume ; car, par Dieu, il n’y a ni Hugh ni autre vivant
en notre territoire qui mal lui voulut et, s’il nous venait de le sentir, nous
le châtierions en manière que les autres en prendraient exemple, ce dont nous
avons assez le pouvoir, Dieu merci.
« C’est pourquoi, très cher
et très aimé frère, encore vous prions spécialement, pour honneur de vous et de
nous, et de notre dite compagne, que vous veuillez tout faire pour qu’elle
vienne par devers nous le plus en hâte qu’elle pourra ; car nous sommes
moult chagriné d’être privé de la compagnie d’elle, chose que nous n’eussions
en nulle manière faite sinon par la grande sûreté et confiance que nous avions
en vous et en votre bonne foi qu’elle reviendrait à notre volonté. »
Édouard exigeait également le retour
de son fils, et dénonçait les tentatives d’assassinat imputables aux
« ennemis et bannis au-delà » dirigées contre l’évêque d’Exeter.
Certes, la colère de ce 1 er décembre avait dû être forte et les voûtes de Westminster en répercuter
longtemps les échos criards. Car, pour le même motif et sur le même ton,
Édouard avait écrit encore aux archevêques de Reims et de Rouen, à Jean de
Marigny,
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