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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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mon adolescence.
     
    Je me levai en prenant appui sur les hausse-pieds, constatai avec émeuvement que j’étais bel et bien nu, que ma chainse de nuit croupissait sur le sol. La peau d’ours dans laquelle je m’étais endormi, aussi.
    Le crâne en feu, l’esprit en grand tourment, je sentais les pulsations de mon cœur battre dans mes veines artères et marteler mes tympans. Je posai péniblement les pieds à terre, pris appui sur le carrelage tiède et me redressai. Mes jambes flageolèrent, se dérobèrent et je craignis m’être tordu la cheville, au point que je dus me hisser à la force des bras en prenant appui sur les hausse-pieds.
     
    Dans les chandeliers, sur la table, les bougies composées de fines couches de la cire d’un chastoire enroulées autour d’elles-mêmes dégageaient un léger parfum de miel. Elles brillaient de tout leur éclat. Une main attentionnée et discrète les avait changées pendant mon sommeil. J’eus honte et rougis à la pensée qu’un chambrier, un page ou une lingère auraient pu assister à mes ébats narcissiques.
    J’ouvris tout grand les deux fenestrous. Dehors, l’air était vif et le soleil haut dans le ciel. Ainsi, j’avais dormi pendant plus de trois ou quatre heures depuis le départ du chevalier de Montfort et de Raymond de Carsac !
    Mon regard se porta sur les draps, ici et là, témoins silencieux de mes fantasmes érotiques et solitaires. À la place qu’avaient occupée pendant cette nuit agitée mes deux compains de chambrée. Un premier poil blond attira mon attention, un second. Peu surprenant. J’étais de blonde et pileuse nature.
    Plus intrigants, ce premier, ce deuxième, ces autres fins et très longs cheveux blonds qui serpentaient sur le lit. Je les saisis pour les examiner à la lumière du jour. Ils ne m’appartenaient assurément pas, ces cheveux d’un blond cendré. Trop longs pour mon crâne coiffé court, trop souples pour ma barbe de l’avant-veille, trop cendrés pour ma couleur naturelle.
    Or donc, mon rêve lubrique n’avait-il été qu’un rêve, à la parfin ? Mais à qui pouvaient avoir appartenu ces fils blonds que je pinçais les uns après les autres pour tenter d’en effacer la présence sur notre couche très chevaleresque ?
     
    Par le Sang Dieu, ce n’était pas possible ! Si Foulques de Montfort, ce fendant chevalier, découvrait notre lit dans cet état, il ne manquerait pas de me réprimander vertement. Ou Raymond de Carsac, de se gausser. À moins qu’il ne s’esbouffasse à gueule bec !
    Aurais-je été drogué et forcé à mon insu ? Euh, forcé à m’emmistoyer avec une inconnue ? N’exagérons rien. Je n’étais pas prêt à oublier ces délicieuses, inattendues et exceptionnelles jouissances jusqu’alors ignorées. De la main d’une fée peu embéguinée. D’une fée ? Mais quelle fée se serait esbignée telle une fagilhère, après m’avoir laissé entrevoir les portes d’un paradis de chair et de joie ?
    Mes papiers ! Mon sauf allant et venant ? N’avait-on pas tenté de me dérober mes plus précieuses reliques, les lettres testamentaires qui attestaient des droits légitimes de ma sœur Isabeau de Guirande sur l’héritage qui lui revenait ? Les lettres à changer que je devais présenter au grand maître de l’Ordre des Teutoniques pour en récolter, en son nom, le fruit ?
    Le fabuleux ou chimérique trésor des hérétiques albigeois ? Ou, plus vraisemblablement, me semblait-il après des mois de réflexions et d’investigations, leur Livre Sacré ? Celui qui avait été préservé de la Ligue de paix du triste sire de Montfort et des bûchers qui avaient jalonné le calvaire des Bons hommes et des Bonnes femmes jusqu’au siège de Monségur ? Par le courage d’aucuns fidèles ? Des parchemins qui ne me quittaient jamais depuis notre départ de Rouffillac.
    Mon sang ne fit qu’un tour. Dans le double-fond de mon coffre, Dieu en soit loué, les précieux documents étaient toujours là, sagement rangés dans ma boîte à messages…
    Toujours en boitillant, je me dirigeai vers le pot « d’eau fraîche », le pot que le page m’avait servi avec un air d’innocence. Il avait une bien curieuse odeur. Montfort en avait-il bu avant son départ pour la chasse ? Non, le page me l’avait servi après son départ. Mais pour quelle raison m’aurait-il drogué ? Sur l’ordre de qui ? Pourquoi, à la parfin ? Pour me débougetter ou me despoiller de mes

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