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La lumière des parfaits

La lumière des parfaits

Titel: La lumière des parfaits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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réveillai le chevalier de Montfort à l’aube. Il ronflait allègrement, la bouche ouverte.
    « La chasse, messire Foulques, les piqueux, les maîtres-chiens, tout l’équipage est déjà en selle ou à pied d’œuvre pour parcourir bois et forêts et acculer le cerf à l’hallali ! »
    Le chevalier de Montfort ouvrit un œil, le referma, ouvrit les deux en s’étirant, les frotta du dos de la main, se leva incontinent, se précipita vers la porte des commodités pour oriner, plongea la tête dans un baquet d’eau et s’agita d’une manière désordonnée à la recherche de la brigandine ouatée que je lui tendais, du ceinturon qu’il me pria de bien vouloir boucler, de ses bottes que j’avais posées au pied du châlit, pendant que Raymond de Carsac se levait à son tour.
     
    « Or donc, vous ne me ferez, cette fois encore, pas la grâce de vous émerveiller lorsque je servirai le cerf aux abois, messire Bertrand ? Votre cheville vous ferait-elle encore souffrir ? Vous auriez mieux fait d’en chasser la douleur avec nous.
    — Que nenni, messire, et je regrette bien de ne pouvoir admirer vos exploits, mais, voyez-vous, vous avez ronflé encore plus fort cette nuitée que la précédente et je n’ai pu fermer l’œil, dis-je, d’un air faussement chafouin.
    — Je vous aurais instruit en ma science. C’est très regrettable…
    — Mais c’est ainsi, disait feu le baron Fulbert Pons de Beynac », complétai-je.
    L’immutable chevalier se fendit la gueule d’un large sourire, enfila ses bottes, le pied gauche à dextre et vice-versa. Le cuir était souple. Il ne s’en aperçut qu’une fois chaussé ; au spectacle de ses pieds aussi écartés l’un de l’autre qu’un cheval panard, il s’esbouffa à gueule bec.
    Nous sortîmes peu après. L’équipage de chasse était réuni dans la cour d’honneur et nos chevaux, étrillés, curés et sellés. L’un de nos écuyers, Guy de Vieilcastel, avait cru bon de revêtir, sous sa pelisse, un surcot aux armes de ma maison.
    Comme je lui faisais part de mon étonnement, lui rappelant qu’il ne partait pas pour charger les païens de Lituanie, mais le cerf ou le sanglier, il me répondit qu’il était fier d’arborer les chiens braques passant et contre-passant pour cette nouvelle partie de chasse à courre, afin que l’on reconnût son adresse.
     
    Mal lui en prit ce jour-là. Il devait l’apprendre à ses dépens. Je ne le sus moi-même qu’à son retour, lorsqu’il revint vers sexte, le bras en écharpe, l’épaule bandée, livide comme le blanc d’un œuf.
    La chasse, autre qu’au faucon, n’éveillait pas en moi grande réjouissance. J’avais donc rapidement abandonné l’équipage et sa meute pour parcourir au pas les alentours de la forteresse et jouir de cette nouvelle matinée, lorsque le soleil avait progressivement levé le voile d’une brume qui avait plongé la forêt dans un décor féerique semblable à celui de la légende des chevaliers de la Table Ronde chevauchant en la forêt de Brocéliande…
    Le cœur gonflé de nostalgie, loin de mon épouse et de mes enfants chéris, je m’enfonçai tantôt dans les noires sapinières au sol jonché d’aiguilles de pin à la senteur subtile, envoûtante. Le soleil perçait de temps à autre les branches majestueuses pour laisser filer quelques magiques ou furtifs espars d’une pâleur hivernale.
    Soudainement, un cor sonna trois fois. Suivi par le bref martèlement d’un tocsin. En provenance de la forteresse. J’avisai une des allées qui rejoignaient le château et lançai mon cheval au grand galop.

    Guy de Vieilcastel, allongé sur une table dans l’enfermerie du château, se tordait de douleur. Un barbier, des lingères, un mire s’affairaient en grande hâte. On préparait des électuaires. On essorait des linges qu’on extrayait à l’aide de pinces d’un baquet d’eau bouillante. Des outils de chirurgien s’alignaient en grand désordre sur une desserte.
    Je bousculai l’un des gardes pour m’approcher de mon compain d’armes. Du sang ruisselait de son surcot, une flèche plantée jusqu’à l’empennage dans l’épaule.
    Je le pressai de questions, passant outre aux invectives de ceux qui l’entouraient et qui tentaient de m’écarter. Il m’expliqua, entre deux grimaces, qu’un coq de bruyère avait brusquement pris son envol au-dessus de son chef. La flèche qu’un des archers avait décochée l’avait atteint à l’épaule. Une

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