La malediction de la galigai
frondeurs.
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L e lundi 20 septembre, Fronsac travaillait dans sa bibliothèque avec son fermier. Les deux hommes terminaient les calculs sur les quantités de blés moissonnés et s'apprêtaient à descendre dîner quand ils entendirent une troupe de cavaliers arriver et faire grand fracas dans la cour du château. Louis se leva aussitôt et s'approcha de la fenêtre.
En découvrant des chevau-légers du prince de Condé, son cÅur se mit à battre le tambour.
Venait-on l'arrêter ?
Il descendit immédiatement. Déjà , un lieutenant était dans la grande salle. Ils se saluèrent cérémonieusement.
â Monsieur le marquis ? demanda l'officier.
â C'est moi.
â Son Altesse Monsieur le Prince vous mande à son hôtel immédiatement.
â Dois-je partir sur-le-champ ? Nous allions nous mettre à table.
â Monseigneur m'a ordonné de faire au plus vite. Mais le temps que les chevaux s'abreuvent et que vous prépariez vos affaires et votre monture, je veux bien avaler un verre de vin et quelques tranches de ce pâté, fit le soldat avec une expression gloutonne.
Louis donna des ordres. Déjà Julie était arrivée. Il lui expliqua qu'il partait.
â Savez-vous pourquoi Son Altesse m'enlève mon mari ? s'enquit-elle.
â Non, madame. Je dois seulement le conduire à l'hôtel de Condé. J'ai cru comprendre qu'il y sera logé pour la nuit.
Donc, je ne vais pas encore en prison, pensa Louis, un brin rassuré.
*
Ce même jour, tandis qu'il sortait d'une assemblée du Conseil des parties, Gaston de Tilly fut abordé par le comte de Bussy.
â Monsieur le procureur, fit ce dernier fort sérieusement, je viens vous porter une commission.
â De la part ?
â De monseigneur le prince de Condé. Son Altesse vous demande de vous présenter demain matin à son hôtel, un quart d'heure avant quatre heures.
â Si tôt ?
â Son Altesse m'a dit qu'elle ne tolérerait aucun retard.
â J'y serai. Mais, entre nous, monsieur de Bussy, savez-vous de quoi il s'agit ?
â Je l'ignore, monsieur. Monseigneur ne m'a rien confié de plus, néanmoinsâ¦
Il prit Gaston par le bras et le conduisit à l'écart.
â Je dois vous dire qu'un officier de mes amis est parti pour Mercy arrêter monsieur Fronsac, qui se trouvera aussi chez Son Altesse demain matin. Monseigneur serait fort fâché contre lui, m'a-t-on rapporté.
â Je le sais, et le Prince a tort. Louis est venu le prévenir d'une épouvantable affaire, mais Son Altesse ne l'a pas cru. Les mauvaises nouvelles sont fatales à celui qui les apporte , affirmait déjà Sophocle.
â Cela a-t-il un rapport avec ce que vous a appris Corbinelli ?
â Indirectement, mais, rassurez-vous, vous n'êtes pas en cause. Je ne peux vous en dévoiler plus.
Bussy hocha la tête.
â Si vous avez besoin de moi, vous me trouverez près de vous, dit-il simplement.
*
Durant cette même journée du 20 septembre, M. Le Tellier vint chez le Prince tenter une nouvelle fois de l'apaiser. Il lui assura que si le mariage de la nièce du cardinal le contrariait, celui-ci ne se ferait point tant Son Ãminence souhaitait son amitié. Toujours aussi désagréable, Condé répondit que cette union lui était aussi indifférente que l'amitié de Mazarin. Le Tellier repartit donc déconfit.
Peu après, le Prince fit préparer son équipage pour se rendre au petit archevêché. Le coadjuteur le reçut avec les plus grands honneurs et la plus grande déférence, un signe en soi remarquable tant il détestait prêter hommage à un supérieur. De son côté, Condé fut plutôt aimable, sondant Paul de Gondi sur ce que lui avait expliqué Beaufort, mais sans rien en tirer de précis, sinon que le duc exposerait son projet, et que, en vue de sa réalisation, la participation de Longueville serait nécessaire.
Le Prince lui confirma qu'il le recevrait le lendemain matin à quatre heures 1 .
*
Le 21 septembre, Beaufort et Paul de Gondi arrivèrent quasiment au même moment. Malgré l'heure plus que matinale, les serviteurs étaient déjà en place ; le maître d'hôtel conduisit les invités dans une antichambre où se
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