La malediction de la galigai
monseigneur. J'ai hâte que nous puissions conférer ensemble, avec nos amis.
Condé le salua d'une infime inclinaison de tête et s'éloigna.
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Très embarrassé par la colère de Condé, le duc d'Orléans fit venir l'abbé de La Rivière. Et il fut convenu que ce dernier proposerait au cardinal de souper le lendemain en vue de tenter un accommodement.
Le 14 septembre, quand le Prince arriva au palais d'Orléans, Son Ãminence se trouvait déjà dans le cabinet de Monsieur. Condé fut introduit et Gaston d'Orléans les laissa seuls.
Mazarin complimenta d'abord Louis de Bourbon sur ses succès militaires et sa fidélité à la Couronne, puis l'assura de son amitié. Ce genre de compliment ne coûtait rien à Mazarin, mais le Prince avait trop l'habitude du comportement cauteleux de l'Italien pour le croire un instant. Il resta hautain et désagréable, et quand le cardinal aborda le mariage du duc de MercÅur avec sa nièce, lui demandant d'en signer le contrat, le Prince répondit qu'il n'était point parent, donc que son seing était inutile.
Devant l'air dépité du cardinal, Condé ajouta avoir lui aussi des exigences, dont la première était le gouvernement du Pont-de-l'Arche pour le duc de Longueville, son beau-frère, suivant la parole déjà donnée. Mazarin répliqua benoîtement ne pouvoir l'accorder, Sa Majesté n'ayant pas donné son accord.
Le Prince partit alors dans une violente colère, reprochant au cardinal ses mensonges, sa fourberie, et terminant sa diatribe en jurant que, désormais, il ne le saluerait plus lorsqu'il le rencontrerait au Palais-Royal ou ailleurs.
LÃ -dessus, il se retira.
Un quart d'heure plus tard, toute la ville connaissait l'altercation, en particulier Paul de Gondi. Quant au Prince, il répandait partout que les Mazarinettes , surnom donné aux nièces du ministre, n'étaient bonnes qu'à épouser des valets. Sans imaginer que son frère, le prince de Conti, épouserait bientôt l'une d'elles, Anne-Marie Martinozzi.
*
Le lendemain mercredi, prévenu qu'on allait l'arrêter s'il se présentait au Palais-Royal, Condé décida de mettre à l'épreuve la résolution et le courage du cardinal. Avec ses amis et serviteurs, il se rendit au palais et se fit introduire dans la chambre de la reine peu avant son souper. Quelques instants plus tard, le cardinal parut avec un visage fort résolu. Dans un premier temps, le Prince lui tourna le dos pour ne pas le saluer puis, avant de sortir, se dirigea vers Mazarin et lui lança à haute voix, devant tous les courtisans présents :
â Adieu, Mars !
Certains témoins assurèrent même qu'il lui tira la barbe.
L'humiliation fut considérable. L'agressé demeura impassible, mais chacun comprit que la guerre était désormais déclarée. Une guerre qui se terminerait uniquement par la ruine de l'un des deux belligérants.
Pourtant, le lendemain, la reine et le cardinal envoyèrent M. Le Tellier au palais d'Orléans prier M. l'abbé de La Rivière de faire en sorte que Monsieur accommodât cette nouvelle affaire.
En même temps, Anne d'Autriche, craignant à juste titre une alliance de Condé avec les anciens frondeurs, envoya un gentilhomme au duc de Beaufort lui dire qu'il pouvait venir librement au Palais-Royal et ne manquerait point de charges, s'il en souhaitait. Le duc remercia fort Sa Majesté de la bonté qu'elle avait pour lui, répondit qu'il était son très humble serviteur, mais s'était engagé avec le Prince.
Ce jour-là , l'hôtel de Condé fut d'ailleurs visité par tous les anciens frondeurs offrant leurs services au Prince. Celui-ci leur annonça qu'il présenterait une requête au Parlement afin que soit appliqué l'arrêt de 1617 excluant, sous peine de mort, la participation d'étrangers au gouvernement de la France. Ce décret, pris contre Concini, visait évidemment Mazarini . Si le Prince obtenait l'appui du Parlement, la querelle allait prendre une tout autre tournure. Le cardinal jugea temps de faire retraite. Le 17 novembre, après bien des rencontres et des discussions, un accommodement fut trouvé dans le cabinet de la reine. Mazarin accorda le gouvernement du Pont-de-l'Arche au duc de Longueville et promit que ni le duc de Vendôme ni son fils le duc
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