La malediction de la galigai
expliquèrent ce qu'ils savaient de l'attentat de Joly avant de raconter l'agression venant de se produire sur le pont Neuf. Ils ne parlèrent pas de Petit-Jacques, mais uniquement d'une attaque de truands, comme il y en avait si souvent à cet endroit.
Le Prince les convia à souper et, malgré leur impatience de retourner au Palais-Royal raconter tout à Mazarin, ils ne purent quitter le palais d'Orléans avant minuit. Comme il était trop tard, ils rentrèrent chez eux.
Le lendemain, ils furent cependant à la première heure chez le chancelier Séguier à qui ils révélèrent la vérité. Ils partirent ensuite avec lui au Palais-Royal et Séguier obtint de voir le cardinal qui se levait à peine.
Dans sa chambre, Mazarin, déjà passé sur sa chaise percée, portait encore une robe de nuit. De nouveau Tilly raconta tout, insistant sur le fait qu'il avait reconnu Petit-Jacques et que le truand était maintenant mort.
â Messieurs, déclara le ministre après un long moment de réflexion, j'exige que vous gardiez le silence sur tout cela.
Devant l'attitude interloquée de ses visiteurs, il ajouta :
â J'étais encore couché quand Monsieur le Prince est arrivé ici. Il avait été prévenu de cette agression dans la nuit. Selon lui, le coadjuteur et le duc de Beaufort sont passés aux actes.
â Mais non, monseigneur, il s'agit de simples truands ! intervint Louis.
â Monsieur Fronsac, il sera impossible de convaincre Monsieur le Prince ! Il exige un châtiment exemplaire contre les frondeurs⦠Et pour tout vous avouer, cela m'arrange, car si le prince de Condé n'accusait pas le coadjuteur et Beaufort, il serait bien capable de m'accuser moi. Moi qui lui ai demandé de ne pas rentrer à son hôtel cette nuit !
â Mais, monseigneur, objecta Louis, terrifié, si monsieur le coadjuteur est poursuivi pour ce crime, imaginez qu'il soit déclaré coupable, il risque la mort⦠Il risque même d'être tiré à quatre chevaux pour avoir voulu tuer un prince du sang ! Et il serait innocent !
â Je le sais, fit Mazarin, simulant comiquement la tristesse, mais Gondi a une fois de trop joué au comploteur. Il paiera donc pour la seule intrigue qu'il n'ait pas manigancée !
â J'irai le voir, décida Louis, et je lui dévoilerai la vérité afin qu'il puisse se défendre.
â Je vous l'interdis, Fronsac ! répliqua sévèrement le cardinal. Laissons Monsieur le Prince se débrouiller avec lui. Mêlez-vous des affaires d'Ãtat qui ne vous regardent pas et vous vous retrouverez à la Bastille ! N'oubliez pas que je n'ai qu'un mot à proférer pour annuler notre accord d'hier et laisser monsieur de Tilly pauvre comme Job.
Un lourd silence tomba dans la pièce jusqu'à ce que le cardinal ajoute, d'un ton radouci :
â Je ne suis pour rien dans la prétendue agression contre monsieur Joly, monsieur Fronsac, mais Gondi et ses amis ont voulu jouer avec le feu et ont fini par se brûler. Somme toute, cette affaire me convient en rendant le Prince irréconciliable avec les frondeurs. Tentez d'aller à son encontre et, non seulement personne ne vous croira, mais vous y gagnerez votre ruine et celle de votre ami.
Louis comprit qu'il n'avait pas les moyens de s'opposer au ministre. Il restait quand même une chance de sauver Paul de Gondi, pensa-t-il : dévoiler la vérité à Condé.
Gaston s'inclina et Louis l'imita. Dans une révérence de parfaite déférence, ils saluèrent le ministre et sortirent tandis que le chancelier restait avec Mazarin.
*
Dans le Palais, on ne parlait que de l'attentat de la nuit. La culpabilité de Gondi ne faisait de doute à personne. Pour ne rien arranger dans les affaires du coadjuteur, Guy Joly, pas mort le moins du monde, avait déposé une plainte au Parlement assurant qu'on avait voulu l'assassiner et qu'il était fort blessé ; aussi avait-on désigné des députés afin d'examiner ses blessures. Seulement, une fois ces derniers arrivés, Joly avait expliqué être pansé et ne pouvoir montrer ses plaies. Chacun en avait conclu que l'attentat relevait de la mystification destinée à créer des troubles. Les plus virulents ajoutaient même que l'agression contre le prince de
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