La malediction de la galigai
compromis avec monsieur de Gondi, il est normal qu'il en paye le prix. Je demanderai donc que le Parlement les juge pour leurs crimes.
On le voit, Condé approchait de la vérité, même si Petit-Jacques n'avait jamais envisagé de l'estourbir. Gaston et Louis ne purent rien objecter à cette affirmation, mais tentèrent pourtant de modérer sa colère en lui faisant percevoir les risques encourus. Si le coadjuteur parvenait à s'innocenter ou que les chambres virassent en sa faveur, ce serait lui qui se verrait désavoué, et ce au profit du cardinal Mazarin.
Le Prince les écouta mais ne les entendit point. Il leur fit signe que l'entretien était clos et ils se retirèrent, insatisfaits.
Quelques minutes plus tard, Louis de Bourbon recevait Mathieu Molé à qui il annonçait qu'il déposerait au Parlement des plaintes contre Beaufort et Gondi.
*
Le lendemain, les frondeurs, se sentant de plus en plus rejetés à la Cour, firent intervenir des proches pour négocier. Intransigeant, le Prince leur fit répondre qu'il exigeait leur départ de Paris.
Sa sÅur, Mme de Longueville, était désormais avec lui. L'une des premières à rejoindre la Fronde, par haine envers le cardinal, elle semblait ravie de la ruine des frondeurs réduits à une faction autour de Gondi et de la maîtresse de Beaufort, Mme de Montbazon, femme qui l'avait calomniée durant la cabale des Importants. Pourtant, son mari, le duc de Longueville, par amitié envers le coadjuteur, tenta d'empêcher son beau-frère de les poursuivre.
Le lundi 13 décembre, l'assemblée de toutes les chambres du Parlement se réunit pour débattre de la plainte du Prince relative à la tentative d'assassinat contre sa personne. Condé se présenta à la séance en compagnie du duc d'Orléans, accompagné de centaines de gentilshommes ; objectif : étaler sa puissance. Le coadjuteur, craignant d'être arrêté en séance, ne vint pas, ni Beaufort.
Trois informations furent ouvertes : la première pour l'assassinat manqué de Joly, la seconde sur l'insurrection tentée par M. de la Boulaye et ses cavaliers, et la troisième au sujet de la tentative contre le Prince. Dans cette dernière, trois personnes furent d'emblée mises en cause par le procureur général : le coadjuteur, le duc de Beaufort et le conseiller Broussel, ce dernier ajouté à la demande d'un Mazarin trouvant là une occasion propice de le faire remettre en prison.
Les interrogatoires commencèrent lentement, car il y avait peu de faits vérifiables, pas de témoins et encore moins de preuve. De plus, les chambres ne siégeaient pas tous les jours. On fit venir des bourgeois de la place Dauphine qui avaient vu les cavaliers attaquer les carrosses. On interrogea les témoins de l'attentat contre Joly et ceux ayant assisté à la cavalcade de La Boulaye. Une prise de corps fut décrétée contre lui, mais il s'était enfui à Bordeaux. Il parut vite évident qu'on ne détenait rien contre Beaufort et Gondi. Pis, le 18 décembre, Joly accusa M. de Champlâtreux, le fils de Molé, premier président, d'être celui qui lui avait tiré dessus !
Ces lenteurs et contre-accusations ne convenaient pas au cardinal qui espérait, à l'occasion de ce procès, se défaire à la fois de Gondi et du prince de Condé. Il faut aiguillonner le procureur général , disait-il à Séguier, car il va trop lentement 1 . Sur son ordre, le matin du 21 décembre, l'abbé Fouquet fit déposer Pichon, Canto et Sociendo devant le procureur général, le chancelier, le premier président et les avocats généraux.
Ces trois témoins se présentèrent comme des envoyés de M. Le Tellier chargés d'écouter ce qui se disait aux assemblées de rentiers. Devant les conseillers fort attentifs, Canto déclara s'être trouvé à plusieurs reprises à l'Hôtel de Ville où il avait entendu colporter que M. de Beaufort et le coadjuteur avaient dessein de tuer M. le Prince. Un nommé Joly, qu'il ne connaissait pas, lui avait même glissé à l'oreille : Il faut tuer M. le Prince et se défaire de la Grande Barbe 2   !
Ces révélations â bien sûr mensongères â changèrent le cours de l'instruction. Le procureur
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