La malediction de la galigai
plaçant les tréteaux d'une table pendant que son cousin posait un plateau après avoir approché deux bancs.
Fronsac grimaça.
â Je le chercherai dès demain. Je vous le promets.
Mais en observant les serviteurs, il les devina déjà résignés, ne croyant plus au retour de leur maître. Son cÅur se serra un peu plus et un lourd silence tomba dans la pièce.
â Monsieur de Tilly était marié, dit la cuisinière en emplissant les trois écuelles de son épaisse soupe. Croyez-vous que madame viendra nous voir ? Nous ne savons pas ce que nous allons devenir.
â Elle viendra, promit Louis, s'asseyant en face de Bauer et Nicolas.
La servante leur servit la soupe, tandis que son cousin apportait un pâté, un gros pain et deux flacons de vin. La maison des Tilly n'était pas riche, mais on y mangeait à sa faim.
â Dites-moi ce qu'a fait Gaston quand il est arrivé ? demanda-t-il.
â Il a rassemblé des monceaux de papiers qu'il a lus, monsieur, puis il est allé prier à l'église.
â Surtout, il s'est rendu dans la chambre, intervint le vieil homme.
â Quelle chambre ?
â Celle de ses parents.
Comme Fronsac haussait un sourcil de surprise, la cuisinière expliqua :
â J'étais là lors de la mort de monsieur et de madame. Depuis, notre maître n'était jamais entré dans cette pièce.
â Bourguoi  ? s'étonna Bauer en engloutissant une énorme tranche de pain recouverte de pâté.
â Il ne voulait pas, monsieur, répondit seulement le domestique.
â A-t-il trouvé quelque chose ? demanda Louis.
â Je ne sais pas monsieur. Mais il est parti peu après.
â Qui occupait la chambre depuis la mort de ses parents ?
â Monsieur Hercule de Tilly, son oncle. Paix à son âme, ajouta-t-elle en se signant.
Gaston a certainement trouvé une lettre, un papier écrit par Hercule, songea Louis. Mais comment savoir, puisque la chambre a brûlé ?
Soudain la maison trembla sous la violence de la foudre, tombée tout près. Le coup de tonnerre roula un gros moment, paraissant ne jamais cesser, puis le crépitement de la pluie se transforma en trombe.
â Nous sommes arrivés à temps, commenta placidement Bauer, vidant entièrement un flacon de vin dans son pot.
â Où pouvons-nous passer la nuit ? s'inquiéta Fronsac tandis que l'orage grondait de plus en plus violemment.
â Nous dormions au premier étage, dans la partie du manoir qui a brûlé, aussi avons-nous installé une couchette ici. Mais la pièce du dessus, qui servait de garde-meuble, est au sec, monsieur. Elle est même chauffée par la cheminée. On s'y rend par l'escalier dans la tourelle.
Elle désigna une porte en face d'eux.
â Y a-t-il un lit ? s'enquit Bauer qui aimait son confort.
â Oui, monsieur. Il y a un grand lit, mais il n'est pas monté. Il y a aussi des matelas, des draps et des oreillers dans les coffres. Nous avons pu sauver de l'incendie une partie des meubles, de la literie et des tentures. Tout est entassé, mais il reste de la place. Vous pourrez vous installer un peu mieux demain. J'avions vous préparer les draps.
â Cela nous conviendra, la rassura Louis, d'ailleurs nous avons aussi nos bagages.
â Vous auriez pu aller dans la chambre au-dessus, qui est plus plaisante, monsieur, mais la pluie passe par le toit, et nous n'avons trouvé personne pour réparer les trous.
â Nous resterons tant que nous n'aurons pas retrouvé Gaston, dit Fronsac, mais pourrez-vous nous nourrir ?
â Bien sûr, monsieur, répondit la cuisinière en jetant quand même un regard inquiet à Bauer qui mangeait comme un ogre. J'avions une basse-cour derrière, avec des poules et deux oies.
*
Le lendemain, après avoir dormi sur les matelas posés à même le sol, ils furent réveillés par le chant des coqs et les aboiements des chiens. La pluie avait cessé. Pour se laver, Louis parvint à obtenir de l'eau chaude mais ses compagnons ne jugèrent pas utile de s'en servir. Nicolas rasa son maître et, après avoir avalé une soupe, ils allèrent fouiller les ruines incendiées.
Louis espérait trouver des papiers, mais ce que le feu n'avait pas détruit, la pluie
Weitere Kostenlose Bücher