La malediction de la galigai
envahi d'orties. Le portail étant ouvert, ils pénétrèrent dans une grande salle au sol couvert de paille. Une vieille rossinante était attachée à un anneau, devant un grand râtelier. Elle émit un bref hennissement en les entendant, puis un silence oppressant retomba.
â Là où il y a un cheval, il y a un habitant ! plaisanta Nicolas, histoire de se rassurer.
Bauer balaya l'écurie des yeux avant de prendre un escalier construit dans l'épaisseur d'un mur. Louis le suivit, un pistolet à la main après avoir demandé à Nicolas de monter la garde.
Il n'y avait qu'une salle obscure au premier étage. Le lit était vide. Après en avoir fait le tour, Bauer s'engagea dans l'escalier à vis et déboucha sur une autre chambre. Celle à la fenêtre obturée.
Fronsac vit tout de suite l'épée rougie, mais déjà Bauer l'avait ramassée après avoir posé son espadon contre un mur.
â Il y a eu bataille, bozieu .
â Quand ?
â Difficile à dire. Le sang a séché sur le tapis⦠Deux, trois jours, peut-êtreâ¦
Louis ramassa une casaque de cuir et un baudrier sur le carrelage.
â Si c'était à Richebourg, il est parti en chausses et en chemise, dit-il.
â Avec ce sang, c'est son cadavre qu'on trouvera en chausses, bozieu .
â Pourrait-ce être son épée ? demanda Fronsac en désignant la lame que le Bavarois avait gardée.
Bauer la courba avec sa main gauche.
â Ch' est l'épée d'un gentilhomme. Une belle lame de Tolède, mais ancienne. Avec cette garde, che dirais qu'elle est de l'autre siècle.
Il la tendit à son maître. Sur la garde étaient ciselées les armoiries que Louis avait aperçues sur le porche. Certainement celle de Richebourg. Mais si la lame était ensanglantée, cela signifiait qu'il avait blessé ou tué un de ses adversaires, avant de succomber.
Gardant la rapière à la main, Louis examina les murs. On n'avait pas touché à la tapisserie. Il remarqua alors qu'il manquait une arme dans l'une des panoplies. Il chercha et trouva la hache sous le lit où on avait dû la pousser. Le manche était ensanglanté.
Louis resta un moment à méditer.
â Il a été surpris, fit Bauer après avoir fait le tour de la pièce et longuement regardé le lit défait. Dans son sommeilâ¦
â Surpris, peut-être⦠Mais il s'est battu. Les serviteurs de Gaston ont dit que Richebourg était une fine lame, donc les autres pas de simples brigands ; à moins d'avoir été très nombreux⦠Et qui a utilisé la hache ? Il n'y a pas de sang sur le ferâ¦
Il fit une nouvelle fois le tour de la pièce, le regard aux aguets.
â Il ne devait pas vivre seul. Ses domestiques logeaient au dessous⦠Où sont-ils ?
â Et si eux l'avaient attaqué ? Ce ne serait pas la première fois que des serviteurs se débarrassent de leur maître.
â Sans doute⦠Mais d'un maître qui a du bien⦠Richebourg était pauvre, observa Louis en montrant la fenêtre obturée.
Bauer désigna à son tour l'échelle de meunier.
â Je vais voir les combles, bozieu .
Faisant craquer les marches sous son poids, il monta, mais en haut ne découvrit rien sinon quelques outils et des tuiles.
â Personne, bozieu , dit le Bavarois en redescendant.
â Partons ! décida alors Fronsac.
En bas, ils retrouvèrent Nicolas pas très rassuré.
â C'est la selle du cheval, monsieur, dit-il en montrant les harnachements accrochés à une poutre.
C'est alors que Fronsac remarqua le sang sur la mousse des vieilles marches. Il se pencha pour examiner les traces. Mais était-ce celui de Richebourg ou de l'individu blessé par son épée ?
Son regard s'égara vers la porte. Elle était ouverte à leur arrivée. N'y avait-il pas de serrure ?
En approchant, découvrant la gâche du verrou brisé, il la ramassa au milieu des débris de pierres, puis sortit et regarda l'autre côté de la porte. Plusieurs clous carrés avaient été arrachés et le bois était défoncé. Il aperçut alors non loin du pont dormant une longue souche qui aurait pu être utilisée comme bélier.
Bauer avait suivi son maître pendant que
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