La malediction de la galigai
vient me voir tous les mardis.
Il hésita, se mordillant les lèvres.
â Je ne sais comment vous expliquer ce qu'il m'a rapporté. Cela n'a pas de rapport avec monsieur de Tillyâ¦
â Répétez-moi simplement ce qu'il vous a dit. Je jugerai après.
Le curé hocha la tête.
â Il s'agit d'un homme qui a disparu, monsieur. Comme monsieur de Tilly, en quelque sorte⦠Voilà  : il y a à Longnes une jeune fille courtisée par Thibault de Richebourgâ¦
â Qui est Thibault de Richebourg ? s'enquit Bauer, qui aimait comprendre.
â Un jeune seigneur se croyant tout permis ! intervint le vieux domestique.
â Pas du tout, cousin ! le coupa la cuisinière. C'est un charmant garçon ! Je l'ai rencontré plusieurs fois dans le village, avec son vieux cheval, et il m'a toujours parlé avec gentillesse.
â Il a occis plusieurs adversaires en duel ! protesta son cousin en haussant les épaules. Enfin, c'est ce qu'on raconteâ¦
â Nous parlerons de lui plus tard, proposa Louis. Revenons à cette jeune fille.
â Elle se nomme Anaïs Moulin Lecomte. Ses parents sont en voyage et l'ont confiée à son parrain, monsieur Bréval, qui habite Longnes. Richebourg la courtisait. Il lui avait promis de venir la voir lundi. Or, il n'est pas apparu, pas plus que ce matin.
â C'est tout ? intervint Bauer en écarquillant les yeux.
â Oui, monsieur, dit l'autre en baissant les yeux.
Il bredouilla :
â J'ai⦠j'ai seulement trouvé cela étrange⦠cette brusque disparitionâ¦
â Il n'y a pas là de quoi fouetter un chat, décida Louis. Ce garçon reviendra un jour ou l'autreâ¦
â Certainement, monsieur⦠Seulement il y a autre choseâ¦
â Quoi donc ?
â Mon frère m'a dit que la jeune Anaïs était aussi courtisée par le fils de monsieur Mondreville.
Louis resta impassible, mais accusa intérieurement le coup. Deux disparitions, à une semaine d'intervalle, auxquelles était mêlé le nom de Mondreville, au même endroit, à quelques lieues près. Un tel concours de circonstance pouvait-il seulement relever du hasard ?
Sans être aussi perspicaces que lui, Bauer et Nicolas comprirent à leur tour que le curé venait de leur livrer une information capitale.
â Où vit ce Richebourg ? demanda enfin Fronsac.
â Dans le vieux donjon de sa famille, près de Houdan, monsieur. C'est à deux heures d'ici, à cheval.
â Nous irons demain.
1 Créé par Louis XI, l'écu au soleil avait un poids de 3 grammes et demi. Son revers représentait une croix fleurdelisée avec la légende : XPC VINCIT XPC REGNAT XPC INPERAT ( Le Christ vainc, le Christ règne, le Christ commande ).
20
Le mercredi 11 août 1649
L e curé de Tilly leur avait indiqué le chemin de Houdan. Une lieue pour rejoindre la route de Mantes, puis une autre jusqu'à Saulx. Là , ils apercevraient la toiture du donjon, non loin de l'église Saint-Georges, et n'auraient qu'à prendre le premier chemin sur leur gauche, à l'oratoire.
Peu après tierce, Nicolas engagea difficilement la voiture dans le sentier envahi d'épineux, mais, très vite, dût s'arrêter tant le passage était étroit. Ils abandonnèrent donc le carrosse après avoir attaché les chevaux. Seul Bauer continua à cheval, passant en tête. Louis avait emporté avec lui un double sac d'arçon contenant deux pistolets et Nicolas l'épée qu'il gardait toujours sous le siège du conducteur.
Après quelques minutes de marche, ils aperçurent la tour rectangulaire en contrebas du chemin. Le lierre qui la couvrait cachait ses murs de brique jusqu'à mi-hauteur. Elle paraissait complètement ruinée. Une des deux fenêtres était même obturée.
Près du pont-levis, remplacé par de simples planches, un vieux chat roux, pelé, attendait. Il miaula plaintivement à leur approche, puis s'approcha de Louis et se frotta à ses jambes avant de s'éloigner vers le fossé en proférant des cris déchirants.
Bauer, qui pourtant avait tout connu, se signa en descendant de cheval.
â Cet endroit sent la mort, fit-il, humant l'air tout en détachant l'espadon de son dos.
Ils passèrent le fossé
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