La malediction de la galigai
passagers étaient morts sur le coup ? Finalement, l'oncle avait retrouvé l'épouse d'un braconnier ayant assisté, de loin, à l'accident. Lequel avait vu deux cavaliers s'éloignant après avoir examiné les corps des passagers.
â C'est incroyable ! fit Louis, persuadé depuis toujours que les parents de Gaston avaient été victimes d'un accident.
â Hercule est allé voir le lieutenant du prévôt de Rouen, monsieur Mondreville, mais celui-ci lui aurait dit qu'il s'agissait de divagations.
â Je m'en doute, trente ans après⦠Qu'y avait-il d'autre dans cette lettre ?
â Je l'ignore, Gaston ne m'en a pas révélé plus, mais il est parti armé. Il m'a dit qu'il reviendrait au plus tard mercredi, car il avait une assemblée du Conseil jeudi. Depuis deux jours, je ne dors plus, tant je suis inquiète. Ce matin, n'en pouvant plus d'attendre, je suis venue vous demander conseil.
â Vous avez bien fait, Armande, mais peut-être Gaston est-il rentré entre-temps ? Au fait, pourquoi ne m'a-t-il pas demandé de l'accompagner ?
â Il avait hâte de savoir, m'a-t-il juste confié.
â De savoir quoi ? Ses parents sont morts voilà plus de trente ans. Que pourrait-il découvrir ?
â Je l'ignore. Il m'a précisé aussi qu'il ne voulait mêler personne aux affaires de sa famille. Quand je lui ai proposé de venir vous voir, il m'a répondu que vous aviez suffisamment de travail en ce moment, après les événements de l'hiver.
â Hercule a dû citer un nom, Gaston voulu en savoir plus, fit Louis après un instant de réflexion. A-t-il emporté cette lettre ?
â Oui.
â Il était armé, m'avez-vous dit.
â Deux épées, plusieurs pistolets, une dague et un mousquet.
â Avec les troubles dans les campagnes, les bandes de miséreux, les malandrins et les troupes de soldats sans solde, il est normal qu'il ait pris ses précautions.
â Croyez-vous qu'il ait pu être attaqué en route ?
â J'en doute, sauf s'il voyageait de nuit. Gaston est prudent et personne plus que lui n'a l'expérience du brigandage. De surcroît, les bandits de grand chemin ne s'attaquent pas à un cavalier armé, mais plutôt aux voitures sans escorte ou aux marchands.
Le carrosse entrait dans la cour du château.
â Armande, je vous raccompagne demain à Paris, sauf si vous voulez rester ici quelques jours. Je partirai avec Bauer. Si Gaston n'est pas revenu chez vous, nous nous rendrons immédiatement à Tilly.
Il sortit le premier du véhicule et lui donna la main pour l'aider à descendre.
â Promis, je vous le ramènerai, assura-t-il, chassant l'idée funeste qui lui étreignait le cÅur, l'idée que son ami était mort.
*
Le carrosse de Louis, conduit par Nicolas et escorté par Bauer, arriva le dimanche soir en vue du village de Tilly. La nuit commençait à tomber.
Ils étaient partis à l'aube, laissant le château de Mercy à la garde de Julie. Armande avait préféré rester. Michel Hardoin et Maurecourt s'occuperaient de la moisson, si leur seigneur et maître tardait à rentrer.
Rue de la Verrerie, Gaston n'étant pas là , les trois hommes avaient aussitôt pris la route de Saint-Germain.
Louis n'était jamais venu à Tilly. Mais en 1641, alors notaire, Nicolas, son cocher, l'avait conduit à Anet, l'ancien château de Diane de Poitiers, résidence des Vendôme. à ce moment, il était chargé de l'inventaire des biens du duc de Vendôme, confisqués par la Couronne après la révélation d'un complot contre le roi, et César de Vendôme en fuite, réfugié en Angleterre 2 . Or, Fronsac avait un mauvais souvenir de ce voyage où il avait logé à Mantes dans une auberge sale, grouillant de vermine. L'itinéraire de ce dimanche n'était guère différent.
Ils n'avaient pas pris le temps de faire étape, s'étant rapidement restaurés lors d'un changement de chevaux. Comme Nicolas connaissait la route, pas besoin de demander leur chemin ou de prendre un guide. Le seul souci était l'orage qui grondait. Si la pluie tombait avant leur arrivée, le chemin se transformerait en bourbier.
*
Louis n'avait jamais vu le manoir des Tilly mais le connaissait, Gaston le
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