La malediction de la galigai
l'avait gâté. Le marquis de Vivonne décida donc de faire le tour des fermes environnantes pour savoir si Gaston s'était fait connaître. Pendant ce temps, Nicolas resta au manoir afin de monter le lit et d'aider les domestiques à aménager correctement leur logement de fortune.
Louis et Bauer rentrèrent bredouilles dans l'après-midi. Personne ne semblait avoir rencontré Gaston de Tilly. Ils se rendirent alors à l'église interroger le curé et le trouvèrent dans la sacristie.
C'était un jeune homme dans une soutane violette rapiécée, le visage émacié, mal rasé, qui ne semblait guère se nourrir à sa faim. Fronsac se présenta comme le marquis de Vivonne, à la recherche de son ami Gaston de Tilly. Il fit d'abord un don d'un écu au soleil 1 pour l'église.
â Monsieur de Tilly ? Oui, je l'ai rencontré deux fois. Le jour de son arrivée et le jour où il a disparu, expliqua le curé en empochant la pièce avec plaisir.
â Vous a-t-il posé des questions ?
â Oui-da, monsieur. Le jour où il est parti, il m'a interrogé sur monsieur Mondreville, reconnut le jeune prêtre à voix basse.
â Le lieutenant du prévôt des maréchaux de Rouen ?
â Oui-da. Monsieur de Tilly voulait savoir depuis quand il était dans le pays. Je lui ai expliqué que je l'ignorais, car monsieur Mondreville était prévôt bien avant que je ne prenne la cure.
Pourquoi Gaston s'intéressait-il au prévôt ? Parce que ce dernier n'avait pas prêté intérêt aux affirmations de l'oncle Hercule ?
â Quel genre d'homme est ce prévôt ?
Cette fois le curé hésita à répondre.
â Parlez sincèrement. Je cherche seulement à savoir ce qu'est devenu votre seigneur.
â C'est un homme dur, monsieur. Mais je suppose qu'on doit l'être quand on est magistrat. Riche, il est l'ami de Mgr de Longueville. Monsieur de Tilly voulait aussi savoir s'il était noble.
â L'est-il ?
â Sans doute⦠Je sais seulement qu'il a acheté la seigneurie.
Le prêtre paraissait plus qu'embarrassé. Il avait peur.
â Que craignez-vous, monsieur le curé ?
â Son fils, monsieur, murmura-t-il en jetant un regard inquiet vers la porte.
â Friedrich, vérifie que personne ne nous écoute dans l'église.
Le Bavarois ouvrit, scruta la travée et le chÅur avant de refermer et de se placer devant le battant.
â Parlez sans crainte. Dites-m'en plus sur son rejeton.
â C'est une canaille, monsieur. Une canaille prétentieuse, arrogante et méchante, laissa abruptement tomber le prêtre. Il a violenté une de mes paroissiennes. Mais que peut faire un laboureur quand le prévôt est l'ami de Mgr le duc de Longueville ?
Louis ne put rien en tirer de plus, mais ces maigres éléments se révélaient intéressants.
*
Le lendemain, dans le village et auprès des domestiques de Gaston, il posa d'autres questions sur Mondreville. Peu à peu, un portrait guère flatteur se dessinait. Un homme cupide et méchant, sans religion et sans morale. Tant comme prévôt que comme seigneur haut justicier, il imposait aux plus faibles des amendes élevées sous des prétextes injustifiés. En somme un magistrat incapable, indigne de sa charge, pervertissant la justice en une pratique lucrative. Son fils avait bien enlevé une femme, laquelle avait été déshonorée, et son père était parvenu à étouffer l'affaire. Décidément, après le témoignage posthume d'Hercule, le prévôt Mondreville paraissait bien peu recommandable. Gaston était-il allé le voir ? Mais pourquoi le prévôt l'aurait-il fait disparaître ?
En revenant au manoir, Louis décida de se rendre à Mondreville dès le lendemain. Peut-être, là -bas, quelqu'un aurait-il vu Tilly.
Dans la cuisine, le prêtre les attendait, attablé devant un bol de soupe sous le regard ironique de Nicolas.
â Monsieur le curé, auriez-vous appris quelque chose ? interrogea Louis, plein d'espoir.
â Sur monsieur de Tilly, non, monsieur le marquis. Néanmoins, mon frère m'a parlé d'une curieuse affaireâ¦
â Votre frère ?
â Oui, monsieur. Il est curé à Longnes et il
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