La malédiction des templiers

lui sur ce terrain, préférant de loin conserver une certaine distance. En fin de compte, succombant à son besoin désespéré de savoir, elle lui demanda :
    — Que s’est-il passé là-haut ?
    Il l’ignora un moment avant de lâcher :
    — J’ai dû improviser.
    Son impassibilité la rendait folle. Elle eut envie de lui prendre la tête et de la cogner encore et encore contre le volant, ressentant un certain plaisir à s’imaginer la scène. Elle songea également à une ou deux autres initiatives délirantes – s’emparer du volant et contraindre la voiture à quitter la route, attendre un virage un peu serré, ouvrir la portière à la volée et se laisser tomber –, mais les rejeta. Cela ne marcherait pas. Elle se résigna donc à l’idée que la seule option consistait à faire preuve de patience en attendant qu’une meilleure occasion se présente.
    Elle s’obligea à recouvrer son calme, puis demanda :
    — Et Jed ?
    Il la regarda avec curiosité.
    — Vous vous inquiétez pour lui et pas pour votre petit copain ? Malgré tout ce que Reilly a fait pour vous récupérer ?
    Elle ne voulait surtout pas lui donner la satisfaction de constater qu’il pouvait jouer ainsi avec ses émotions, mais avant tout elle voulait savoir.
    — Ils sont vivants tous les deux ?
    Il haussa les épaules.
    — Peut-être. Peut-être pas. Il faisait assez sombre, là-haut. Mais ne vous faites donc pas trop de souci pour eux. Pensez plutôt à vous et à ce que vous pouvez faire pour rester en vie.
    Il s’arrêta une seconde avant de poursuivre :
    — Vous pourriez peut-être commencer par m’expliquer comment ils m’ont retrouvé.
    Tess se figea, des pensées contradictoires lui traversant l’esprit. Ne pouvant différer davantage une réponse, elle se contenta de dire « Je ne sais pas », se rendant compte à quel point ces mots pouvaient sonner de façon peu convaincante avant même qu’ils soient sortis de sa bouche.
    Son ravisseur lui jeta un regard entendu puis farfouilla dans sa ceinture et en sortit un pistolet, qu’il tendit dans sa direction.
    — S’il vous plaît, dit-il en posant le canon sur sa joue. C’est votre petit copain qui mène la danse et vous n’êtes pas exactement une potiche. Je vous le demande donc une dernière fois : comment m’avez-vous retrouvé ?
    L’acier froid du canon s’enfonça un peu plus dans sa joue.
    — On… on a fait des supputations.
    Elle espéra que la pause qu’elle venait d’observer et la réplique qu’elle attirerait inévitablement lui permettraient de gagner un peu de temps.
    — Des supputations ?
    — Oui. Sur la base de données concrètes, en réalité. Nous avons estimé l’itinéraire probable emprunté par les Templiers depuis Constantinople, et sur quel versant de la montagne ils avaient le plus de chances de se trouver avant de tomber sur le monastère. Nous avons ensuite étudié des cartes topographiques détaillées de la région et avons essayé de retracer le chemin qu’ils avaient suivi d’après les notes de l’inquisiteur trouvées dans le Registre. Et on a tapé dans le mille.
    — C’est une grande montagne, insista l’homme. Comment avez-vous pu nous localiser avec une telle précision ?
    — Ils ont eu recours à un satellite, mentit-elle. On lui a transmis les coordonnées des voitures récemment volées, transmises par la police d’Istanbul.
    Elle espérait qu’il était au courant de ce qu’elle avait appris récemment de Reilly, à savoir la différence entre les capacités d’observation d’un satellite et celles d’un drone. Si c’était le cas, et s’il avalait son mensonge, il ne s’inquiéterait pas à l’idée qu’un drone était peut-être en train de les surveiller.
    L’homme médita un certain temps sur ce qu’elle venait de dire puis ôta son pistolet de la joue de la jeune femme et le remit dans sa ceinture. Il regarda attentivement la route, devant lui, et, au virage suivant, leva sérieusement le pied pour se diriger vers un bosquet de pins.
    Il gara la Land Rover à l’abri sous les arbres et ôta la clef de contact.
    — Attendez-moi là, ordonna-t-il.
    Elle le suivit du regard tandis qu’il se dirigeait vers l’orée du petit bois. Il se contenta de rester là, immobile, les yeux levés vers le ciel en direction de la montagne.
     
    Zahed scrutait le ciel, à l’affût de la tache noire qui confirmerait ses soupçons.
    Elle était très bonne, il devait bien le