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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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dans leur dos et s’affoleraient. Ils croiraient qu’un parti ennemi les avait contournés et se glissait entre Paris et eux pour leur couper la retraite. Il s’agissait d’un pari risqué. Mais, en cas de succès, les conséquences seraient grandioses ! Si Joseph perdait son sang-froid – et il était bien homme à le perdre –, s’il dévalait la butte au galop pour se réfugier dans Paris de peur d’être tué ou capturé, tous ceux qui l’entouraient abandonneraient en catastrophe leurs positions pour se replier avec leur chef. Alors, ce serait lui, le vicomte de Leaume, qui, par un coup d’audace, permettrait aux Alliés de s’emparer de la butte Montmartre désertée. Quel triomphe ce serait ! Un coup de maître ! Un coup de roi !
    Mais il fut dépité quand la barrière de Montmartre fut en vue. Le nombre de gardes postés là était bien supérieur à ce qu’il avait imaginé : une centaine de gardes nationaux, des invalides qui avaient repris les armes, des volontaires qui voulaient des fusils... Pourtant, habituellement, cette barrière-là n’était pas l’une des plus fréquentées. Son groupe s’arrêta, indécis.
    Leaume avait basé ses calculs sur le fait que la quasi-totalité des défenseurs serait postée sur la ligne de défense extérieure. Cela semblait couler de source au vu de la disproportion des forces en faveur des Alliés. Il avait donc organisé l’attaque d’un point supposé mal défendu, or ce n’était pas le cas. Leaume songea que l’inorganisation était telle que la seconde ligne de défense était surprotégée, au détriment de la première. Puis il se ravisa. Ne fallait-il pas voir là la preuve que les groupes royalistes parisiens avaient bel et bien réussi à effrayer Joseph ?
    — Nous devrions rebrousser chemin... conseilla Jean-Baptiste de Châtel.
    — J’aperçois partout des blessés que l’on a retirés du front pour les entasser ici. Regardez cette confusion ! Les gardes sont démoralisés. Incitons-les à abandonner leur poste !
    Sur quoi, il fit signe aux siens de s’avancer.
    On regarda l’arrivée de ces royalistes avec stupéfaction. Qu’était-ce que ces apparitions ? Les hommes du vicomte se mirent à distribuer les affiches... imprimées grâce à Margont. Quand on ne les acceptait pas, ils les posaient par terre, bien lisibles.
    — Vive le roi ! Vive Louis XVIII ! Vive les Bourbons ! clamait Châtel, imité par quelques autres.
    Une détonation claqua et un royaliste s’effondra : un garde national venait de tirer. Des coups de feu éclatèrent alors de tous les côtés. Plusieurs membres des Épées du Roi étaient d’anciens chouans qui ne s’en laissaient pas compter. Leaume voulut charger la barrière de Montmartre ! Cela aurait eu tant de panache ! Mais Jean-Baptiste de Châtel le retint par le bras. Un autre garde national mit en joue le vicomte, en qui il avait distingué le meneur de cette bande. Il ne se trouvait qu’à dix pas de sa cible. Châtel vit la menace et se plaça délibérément entre Louis de Leaume et le tireur au moment où ce dernier faisait feu. La balle le frappa en pleine poitrine et il tomba mort. Leaume et les siens battirent en retraite.
    Cette bataille-là n’avait duré qu’une minute.
    Le général Langeron disposa toutes ses troupes disponibles en deux colonnes. Les huit mille hommes du 8 e corps de Saint-Priest d’un côté, les cinq mille du 10 e corps de Kapzevitch de l’autre. Puis il les lança droit sur Montmartre et sa poignée de défenseurs.
    Les Français déployés en avant de cette position tiraient, tiraient, tiraient... Les Russes tombaient de tous les côtés, mais ne ripostaient pratiquement pas pour ne pas ralentir leur progression. Ceux qui ne détalaient pas devant eux étaient embrochés à la baïonnette et piétinés. Les derniers cavaliers de Belliard – la brigade de cavalerie de la Garde impériale de Dautencourt, composée de chasseurs et de lanciers, et les dragons du général Sparre – chargeaient l’ennemi dans l’espoir de le repousser. Ceux qui se frayaient un chemin à travers les dragons russes qui tentaient de les contrer s’engouffraient dans les multitudes adverses, sabrant et embrochant, s’y engloutissaient et disparaissaient.
    Saber se démenait, gesticulait avec son sabre.
    — Feu à volonté !
    Lefine avait pris le fusil d’un mort – comme on en manquait, les sous-officiers de la garde nationale n’en avaient pas reçu

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