La mémoire des flammes
l’assaut de cette position. Il avait nettement sous-estimé les forces de l’ennemi. Mais ce dernier avait aussi surestimé les siennes et avait fini par se replier dans le village ! Si bien que, dans ce secteur, les affrontements avaient commencé par une spectaculaire et paradoxale avancée des Français.
Mais les Alliés avaient poursuivi leur déploiement et, ayant pu mobiliser des renforts, ils attaquaient désormais la droite française de tous les côtés.
Sur l’aile gauche, les Alliés avaient déjà pris du retard sur leur plan de bataille, car coordonner les mouvements de telles quantités de troupes était d’une complexité invraisemblable. Mais ils s’apprêtaient maintenant à lancer une attaque de grande envergure contre les hauteurs de la Villette.
Vers dix heures du matin, partout, la bataille s’intensifiait. Depuis le sommet de Montmartre, on vit apparaître des troupes ennemies, encore assez loin au nord, au niveau du Bourget. Leur masse enflait, enflait, enflait... Une division. Non, des divisions. Un corps d’armée. Deux, peut-être... Non : plusieurs corps d’armée...
La réalité de la situation s’imposait enfin à Joseph. Où que se posât sa longue-vue, il apercevait des assaillants. La ville de Saint-Denis était contournée et des milliers de tirailleurs envahissaient la plaine, juste devant lui, telles des nuées de sauterelles.
Joseph était de plus en plus inquiet. Un messager venait de lui transmettre un message émanant du Tsar, qui l’invitait d’un ton menaçant à négocier... Il prit la décision de regagner Paris, suivi par quelques proches.
— Où est-ce qu’il va ? demanda Margont.
— Il doit se porter sur un point où la situation est critique... hasarda Piquebois.
Saber ricana.
— Il n’y a qu’un seul endroit où Joseph devrait se trouver et c’est au sommet de Montmartre, car c’est la clé de voûte de notre centre. Donc il s’enfuit. Voilà. La défense de Paris vient d’être décapitée sous vos yeux. Désormais, chacun fait ce qu’il peut de son côté.
Au château des Brouillards, Joseph s’entretint brièvement avec le conseil de défense, dont faisaient partie, entre autres, le général Clarke, ministre de la Guerre, et le général Hulin, gouverneur de Paris. Il leur montra la lettre du Tsar. Le conseil décida de faire cesser le combat. Joseph envoya un message au maréchal Marmont, pour lui faire savoir qu’il l’autorisait à entrer en pourparlers avec les Alliés.
Marmont reçut cette missive. Mais celle-ci ne lui donnait pas l’ordre de mettre un terme aux affrontements, elle proposait seulement cette option, si Mortier et lui ne pouvaient plus tenir leurs positions. Or justement, Marmont contenait les attaques adverses et pensait que l’on pouvait encore faire face, peut-être jusqu’à l’arrivée de Napoléon ! Il envoya immédiatement le colonel Fabvier informer Joseph de son point de vue, en espérant le faire changer d’avis.
Fabvier se rendit au sommet de la butte Montmartre, ne trouva pas Joseph, tourna bride et se lança à sa recherche, mais fut bien incapable de le retrouver, car Joseph galopait déjà en direction de Saint-Cloud.
Le maréchal Marmont prit la décision de poursuivre le combat.
Les heures passaient et les Français résistaient toujours avec acharnement. Mais la situation devenait de plus en plus critique.
L’aile droite était progressivement refoulée.
La défense du village de Montreuil s’était effondrée sous les coups combinés de la Garde russe, de la Garde prussienne et de la Garde badoise.
Le village de Pantin avait été pris et demeurait aux mains des Russes et des Prussiens en dépit des assauts forcenés du général Curial, qui avait voulu le reprendre.
Les Russes et les Prussiens avaient repris les jardins de Romainville et y avaient aussitôt positionné une batterie qui bombardait les Français pour les tenir à distance. Le général Raïevski – celui-là même qui avait héroïquement défendu la Grande Redoute durant la bataille de la Moskova – avait lancé une division de grenadiers à la rencontre du maréchal Marmont, qui conduisait une contre-attaque dans l’espoir de reconquérir le plateau, et l’avait repoussé.
Marmont s’était replié sur Le Pré-Saint-Gervais et alternait défense et contre-attaques.
Des troupes wurtembergeoises et autrichiennes renforcées par de la cavalerie russe s’aventuraient au sud-est, afin de déterminer
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