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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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mal centrer une feuille afin d’avoir à la refaire... En dépit de ses efforts, la pile d’affiches grandissait peu à peu. Louis de Leaume prit une plume et griffonna des ébauches avec frénésie.
    — Que dites-vous de celle-ci ?
    Parisiens !
Prenons les armes
et renversons le tyran !
À bas Napoléon ! Vive Louis XVIII !
    — Bien... le complimenta Margont.
    Le choix de Louis de Leaume en disait long sur ce qu’il projetait de faire... Honoré de Nolant fit lui aussi une proposition.
    Brisons le joug impérial !
Criblons l’Aigle de balles !
Longue vie au Roi !
    Jean-Baptiste de Châtel saisit finalement la plume et écrivit sa propre devise. Il n’eut pas besoin de plusieurs essais. Ce qu’il voulait dire coulait de source pour lui.
    Peuple de France,
soutiens le retour de ton Roi !
Dieu le veut !
    «Détestable », songea Margont. Cette expression, « Dieu le veut ! », avait été prononcée par le pape Urbain II, en 1095, lors de son célèbre discours qui appelait à la croisade pour « libérer » la Terre Sainte. Cette harangue avait joué un rôle majeur dans le déclenchement de la première croisade. Et cette façon de tutoyer le peuple, quelle arrogance ! Quant aux mots « ton Roi » : comme si l’on était obligé d’en avoir un...
    Un sifflement strident retentit depuis la rue. Le baron de Nolant et Jean-Baptiste de Châtel soufflèrent les bougies, plongeant les lieux dans les ténèbres.
    — Qu’est-ce qui se passe ? chuchota Lefine.
    — Silence !
    On perçut des pas au-dehors. Margont attendait avec anxiété que ses yeux s’habituent à l’obscurité. Mais il ne distinguait toujours rien. Il commença à s’inquiéter. Et si quelqu’un l’attaquait, ici, par surprise ? L’un des hommes présents était peut-être l’assassin qu’il cherchait... Celui-ci ne l’avait-il pas démasqué ? N’allait-il pas s’approcher de lui pour le poignarder ? Margont tendit les bras devant lui, espérant ainsi détecter un assaillant qui se serait rapproché à pas de loup. Il entreprit de se déplacer en silence et, en même temps, il s’en voulait. Il était devenu le jouet de ses peurs.
    Un long moment plus tard, un sifflement retentit à nouveau, plus grave et plus bref. Honoré de Nolant ralluma une chandelle.
    — Nous allons partir, annonça-t-il. Chevalier, il nous faut plus d’affiches. Vous pourriez former quelques-uns des nôtres au métier d’imprimeur.
    — C’est trop risqué. Chaque imprimerie possède un délateur à la solde de la police or j’ignore qui est le mien. En outre, les censeurs et la police nous rendent régulièrement visite. Il vaut mieux que j’agisse seul. Je pourrai imprimer quelques affiches, de temps en temps. À force, j’en obtiendrai des centaines...
    Louis de Leaume acquiesça.
    — Très bien. De toute manière, mieux vaut que nous ne remettions jamais les pieds ici.
    Ils s’en allèrent, abandonnant Margont et Lefme, qui devaient tout remettre en ordre afin de ne pas éveiller les soupçons des employés. Bien sûr, ils emportèrent les affiches.
    Une fois seuls, Lefine dit à Margont :
    — J’aimerais bien voir la tête de Joseph quand vous lui annoncerez comment vous avez utilisé l’imprimerie qu’il a mise à votre disposition...

 
    CHAPITRE XXII
    Le 24 mars 1814, les Alliés tenaient un conseil militaire, non loin de Vitry. Une fois de plus, la confusion régnait. Que faire ? Personne n’était du même avis, mais il fallait bien s’entendre, puisque la désunion serait exploitée par Napoléon. La veille, des cosaques avaient capturé un cavalier chargé de remettre un courrier à l’Empereur. La missive émanait de Savary, le ministre de la Police générale. L’angoisse imprégnait les mots comme une colle.
    « On est complètement à bout de ressources, la population est découragée. Elle veut la paix à tout prix. Les ennemis du gouvernement impérial entretiennent et fomentent dans le peuple une agitation encore latente, mais qu’il sera impossible de réprimer si l’Empereur ne réussit pas à éloigner les Alliés de la capitale, à les entraîner à sa suite loin des portes de la capitale... »
    Oui, mais ne s’agissait-il pas d’un piège ? Si les Alliés tournaient le dos à Napoléon pour marcher sur Paris, leurs communications seraient menacées, voire coupées. Il leur faudrait donc s’emparer très vite de la capitale !
    Le Tsar hésitait. Il avait été trop hardi à

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