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La mémoire des flammes

La mémoire des flammes

Titel: La mémoire des flammes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Armand Cabasson
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L’infanterie du maréchal Oudinot jaillissait en torrent de la forêt de Val et se dirigeait sur la ville. Winzingerode fut vivement délogé de Saint-Dizier, perdant des hommes et de l’artillerie, puis à nouveau repoussé, et encore bousculé. Les dragons de la Garde impériale et quelques mamelouks galopaient à sa poursuite, chargeant tout ce qui s’opposait à eux ; l’armée française suivait cette cavalcade et fondait sur lui dès que ses troupes essayaient de se ressaisir ; Napoléon croyait avoir saisi l’armée de Bohême au col et la malmenait de toutes ses forces. Mais il se retrouva avec de la paille dans les mains : il ne secouait qu’un épouvantai !, un leurre...

 
    CHAPITRE XXIV
    Le 26 mars, Margont se présentait à nouveau devant Joseph Bonaparte et Talleyrand. Puisqu’il n’était plus question de se voir aux Tuileries, il s’était rendu dans un hôtel particulier de l’île Saint-Louis, dont Mathurin Jelent lui avait communiqué l’adresse.
    Leur première rencontre avait eu lieu à peine dix jours plus tôt et, pourtant, ces deux hauts dignitaires froncèrent les sourcils en apercevant Margont, se demandant s’il n’y avait pas eu une erreur, s’il ne s’agissait pas d’une autre personne que celle qu’ils avaient convoquée... Les vêtements de leur espion étaient vieillis, défraîchis, passés de mode. Mais il les portait d’un air compassé, hautain. Il tenait à la main une cravache et semblait prêt à frapper ceux qui ne lui obéiraient pas assez vite. On eût dit un baron tenant salon dans les décombres de son château dévasté par la Révolution. Il affichait une telle morgue que Joseph ne put s’empêcher de s’exclamer :
    — Cela suffit, maintenant !
    Au contraire, Talleyrand l’applaudit mollement.
    — Quelle transformation ! Un homme tel que vous trouvera toujours un emploi auprès de moi, quelles que soient les circonstances.
    — Mais voudrai-je de cet emploi, voilà qui est une autre question... répondit Margont.
    — Où en êtes-vous, major ? demanda Joseph.
    Le commandant de l’armée et de la garde nationale de Paris avait parlé d’un ton mielleux, mais on percevait de l’ironie. Ce miel-là était empoisonné. Margont devina qu’on allait l’accabler de reproches. Il conserva son calme et présenta un rapport synthétique. Lorsqu’il affirma être sûr que les Épées du Roi tramaient une insurrection armée, conformément à ce que prétendait Charles de Varencourt, Joseph perdit de sa superbe. De manière paradoxale, il semblait plus s’inquiéter des quelques milliers d’ennemis qui se cachaient dans Paris que des centaines de milliers de ceux qui affrontaient l’armée française. Il était convaincu que son frère viendrait à bout de cette coalition. En revanche, tout ce qui concernait un ennemi intérieur, intra-muros, était de son ressort.
    — Mais il y a plus préoccupant encore, ajouta Margont.
    Joseph et Talleyrand ne cachèrent pas leur surprise. Il évoqua les soupçons qu’il nourrissait quant à l’existence d’un troisième plan. Talleyrand se rallia d’emblée à cette hypothèse. Possédait-il des informations qu’il conservait pour lui ? Joseph, au contraire, exprimait le scepticisme agressif de ceux qui ont eu leur soûl de mauvaises nouvelles et ne veulent désormais entendre que du bon et du rassurant.
    — Que peut-il y avoir de pire qu’une campagne d’assassinats visant à préparer une rébellion dans notre dos, major ?
    Il avait prononcé ce dernier mot comme il aurait dit « fourmi ».
    — Je l’ignore, Votre Excellence. Mais, croyez-moi, au moins deux des membres du comité directeur de ce groupe, le vicomte Louis de Leaume et Jean-Baptiste de Châtel, ne se contenteront pas de cela. Ils veulent une action plus grande, plus forte, plus fracassante.
    Talleyrand, pensif, ne fixait plus son interlocuteur.
    — Nous aurions donc affaire à une hydre dont chaque tête représenterait une menace différente, les têtes les plus voyantes dissimulant la plus dangereuse... Voilà une stratégie diablement rusée...
    Il était étonnant de l’entendre utiliser le mot « diablement », lui que l’on surnommait « le diable boiteux »... Coïncidence ? Ou l’avait-il fait exprès, sous-entendant par là qu’il était lui aussi capable d’engendrer des hydres ? Margont en était à ces réflexions lorsque Talleyrand tourna vers lui son regard et sourit, en réponse à ces

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