La mort du Roi Arthur
j’exige que vous me promettiez fidélité et que vous juriez sur les saintes reliques de m’aider contre tous mes ennemis, y compris contre le roi Arthur, s’il se trouvait que, contrairement à ce que présageait sa lettre, il ne fût pas mort et que, d’aventure, il en vînt à se porter de ce côté-ci. – Nous y consentons volontiers », dirent-ils. Et, s’agenouillant alors devant lui, ils se déclarèrent ses hommes liges et jurèrent sur les reliques de le seconder jusqu’à leur dernier souffle contre tous ses ennemis, quels qu’ils fussent. Il les en remercia et leur demanda de lui faire hommage de tous les manoirs et forteresses qu’ils tenaient.
Après qu’ils eurent satisfait à cette demande, Mordret donna aussitôt l’ordre d’investir la tour de tous côtés. Il fit armer ses hommes et dresser des engins et des échelles pour monter aux créneaux. Mais ceux de la tour coururent aux armes et se défendirent si bien que les assaillants durent finalement renoncer, tant ils avaient perdu d’hommes renversés et noyés dans les douves. Alors, Mordret, qu’enrageait une résistance aussi acharnée, commanda la retraite, mais, en son cœur, il ruminait de se venger avec éclat des insolents qui, dans la tour, narguaient son autorité, en leur faisant trancher la tête à tous.
Malgré ce premier succès, la reine, passablement inquiète, dit à son cousin Labor : « J’ai encore besoin de tes services. Tu vas te rendre en Bretagne armorique afin d’avoir des nouvelles de mon seigneur le roi, puisque tu doutes de sa mort. S’il est vivant, tu lui expliqueras dans quelle situation je me trouve et de quelle odieuse trahison Mordret s’est rendu coupable, et tu le prieras de venir au plus vite me secourir. Sinon, tôt ou tard, je serai honnie car, à l’évidence, la tour ne pourra éternellement résister aux assauts des hommes de Mordret. Si par ailleurs il s’avérait que le roi fût mort, va directement au royaume de Gaunes ou en celui de Bénoïc ; trouve Lancelot du Lac ou ses cousins Bohort et Lionel, et fais-leur savoir que, s’ils ne viennent à mon secours, ma perte et mon déshonneur sont chose assurée. – Dame, répondit Labor, je m’acquitterai de ma tâche, s’il plaît à Dieu que je parvienne sur les terres de Gaunes ou de Bénoïc. Mais j’ai bien peur de ne pouvoir m’échapper de cette tour, car nos ennemis la cernent on ne saurait plus étroitement. – Il le faut pourtant ! s’écria la reine. Adopte un déguisement qui te permette de n’être pas reconnu et sache que, si tu échoues, c’en sera fait de moi. »
Le soir, quand il fit bien sombre, Labor endossa les vêtements d’une servante et, après avoir pris congé de la reine, sortit par une petite porte. Il réussit à traverser les rangs des assiégeants, car, à moitié endormis, ceux-ci ne prêtèrent pas attention à la silhouette de femme qui se faufilait dans la nuit. Dès qu’il se fut éloigné de Kamaalot, il se mit en quête d’une monture et, sitôt en selle, galopa vers la mer. Là, la chance lui permit de trouver un navire qui précisément partait pour la Bretagne armorique. Une fois débarqué là-bas, il apprit que, loin d’être mort, le roi Arthur assiégeait la cité de Bénoïc. Cette nouvelle lui causa une grande joie, et il chevaucha sans relâche afin de transmettre le message dont l’avait chargé la reine.
Cependant, depuis deux mois qu’il campait avec toute son armée sous les murs de la forteresse de Bénoïc, le roi Arthur avait fini par admettre que le siège ne tournerait pas à son avantage, car les assiégés se défendaient avec tant de courage et de vaillance qu’ils lui infligeaient chaque jour de sévères pertes. Il se décida à en parler avec Gauvain : « Mon neveu, lui dit-il, tu m’as lancé dans une aventure dont nous ne sortirons jamais à notre honneur. Ces gens-là sont trop habiles aux armes et n’ont pas leurs pareils. Ainsi le vois-tu toi-même : nous avons tout à perdre dans ces combats et rien à y gagner. Nos adversaires sont sur leurs terres, forts de leur bon droit, au milieu de leurs vassaux et de leurs alliés, et ils ont avec eux quantité de chevaliers qu’a, d’un peu partout, attirés la réputation de Lancelot. Je suis sûr que s’ils nous portaient autant de haine que nous en nourrissons contre eux, nous aurions déjà perdu la partie, car leur puissance est formidable. Aussi me paraît-il grand temps que nous prenions
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