La nièce de Hitler
sourcils.
— Pourquoi est-ce que les gens sont si
minuscules ?
— J’ai des problèmes avec les proportions,
dit-il, irrité et embarrassé. Pourquoi êtes-vous venues ?
— Tu sais que le service militaire est
obligatoire en Autriche ?
— Angela, tu me surprends ! Tu
travailles pour le gouvernement autrichien, maintenant ?
— Regarde ce que j’ai reçu !
Elle sortit un document officiel de son sac à
main et le lui tendit. Il y était écrit que Herr Hitler devait se présenter aux
autorités militaires de Linz dans les quinze jours. Faute de quoi il serait
poursuivi, et s’il était prouvé qu’il avait quitté l’Autriche dans le but de se
soustraire à ses obligations militaires, il serait passible d’une lourde amende
et d’une peine de prison.
Adolf plia le document et le rendit à sa sœur.
— Je n’ai pas peur de la prison.
— Tant mieux, dit Angela, parce que la
police m’a dit que tu serais arrêté à la frontière.
— Et pour quelle raison voudrais-je
revenir en Autriche ?
— Pour nous !
— Qui ça, nous ?
— Ta famille ! s’écria-t-elle.
Et il se mit à se ronger les ongles tandis qu’elle
l’exhortait à trouver un vrai travail à Linz ou à Vienne, à faire son service
militaire en Autriche, et à l’aider à s’occuper de sa sœur qui, à dix-sept ans,
avait l’âge mental d’une enfant.
Puis ce fut au tour d’Adolf d’argumenter, et
elle se rendit compte qu’elle n’était pas de taille devant son ardeur, pendant
qu’il faisait les cent pas dans son appartement, très excité, les mains en
mouvement, la voix suraiguë, et haranguait sa demi-sœur sur la nullité de l’armée
austro-hongroise, composée de Tsiganes et de métis, sur Vienne, ville des
infâmes Habsbourg et Babylone du conglomérat des races, sur son propre génie
wagnérien en tant que penseur et artiste, qu’elle voulait étouffer dans un
labeur oppressant et fastidieux.
Angela avait l’habitude de cette tyrannie de
la colère. Elle le supplia de voir les choses de son point de vue à elle, mais
comme elle détestait son propre ton pleurnichard autant que la méchanceté et le
mépris d’Adolf, qui lui rappelaient tant leur père, elle finit par faire comme
Klara.
— Mon cher Adolf, ne te mets pas dans cet
état. Tu as faim ?
C’était manifestement le cas, mais il ne
voulait pas l’admettre.
— Veux-tu que j’aille faire des courses ?
Nous parlerons plus tard, quand nous aurons mangé. Tout le monde se sentira
mieux.
Il prit à nouveau conscience de la présence de
sa nièce sur le sofa.
— Ne sois pas trop longue, dit-il d’un
air inquiet.
— Je peux l’emmener, si tu veux.
Il haussa les épaules.
— Je n’ai pas l’habitude d’avoir de la
compagnie. Je suis un ermite. Elle ne me dérangera pas ?
— Tu seras bien sage, hein, Geli ?
— Et tu te tairas ? demanda-t-il.
La fillette regarda sa mère d’un air apeuré.
— Elle sera gentille, dit sa mère.
De la main droite, Hitler replaça sa mèche à
gauche.
— Garder les mioches, ce n’est pas un
travail d’homme, tu sais.
Angela soupira, prit son chapeau et son sac, et
sortit. Une feuille de papier recouverte d’écriture était posée sous un encrier
sur le rebord de la fenêtre, près du lit.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda la
petite fille en la montrant du doigt.
— Un poème. Sur ma mère. Elle n’est plus
là.
— Oh ! fit-elle. Tu me le lis ?
Oncle Adolf soupira, mais se tourna pour l’attraper.
— Penses-y ! lut-il. C’est le
titre. Elle écoutait avec un grand sérieux.
Quand ta mère aura vieilli
Et que toi aussi, tu auras vieilli,
Quand tout ce qui était léger autrefois
Sera devenu un fardeau,
Quand ses chers yeux fidèles
Ne regarderont plus la vie comme avant,
Quand ses jambes seront fatiguées
Et ne la porteront plus –
Donne-lui l’appui de ton bras,
Accompagne-la avec bonheur et joie
L’heure viendra où, en pleurs, tu
L’accompagneras dans son dernier voyage !
Et si elle demande quelque chose, réponds-lui.
Et si elle te le redemande, sois patient.
Et si elle te le demande à nouveau, parle-lui
Non pas méchamment, mais affectueusement !
Et si elle ne te comprend pas bien,
Explique tout avec bonne humeur.
L’heure viendra, l’heure amère
Où sa bouche ne demandera plus rien !
— Oh, fit-elle.
— C’est un bon poème ?
Elle acquiesça gravement.
Hitler replaça la feuille de papier
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