La nièce de Hitler
qu’elle ne l’avait jamais vu. Elle
apprit qu’Adolf avait adressé une supplique à Louis III pour pouvoir s’enrôler
dans l’armée bavaroise et que, malgré son mauvais état de santé, il avait été
accepté comme volontaire. Même si cela signifiait qu’il devrait renoncer à sa
nationalité autrichienne, Hitler était fou de joie.
« Je n’ai pas honte de dire que je tombai
à genoux et que je remerciai de tout cœur le ciel de m’avoir donné le bonheur
de pouvoir vivre ce moment », écrivit-il par la suite à Angela.
Celle-ci ne reçut que peu de lettres de son
demi-frère au cours de ces quatre années de guerre, mais comme Hitler
correspondait régulièrement avec Josef et Elisabeth Popp, ses anciens
propriétaires, ceux-ci donnaient souvent de ses nouvelles aux Raubal de Vienne.
C’est ainsi qu’ils apprirent qu’Hitler servait dans le 16 e régiment
bavarois d’infanterie de réserve, que ses amis l’appelaient « Brodequins »
ou « Adi ». À présent il était Meldegänger, ordonnance et
estafette entre les quartiers généraux sur le front, « fonctionnant »,
comme il l’expliquait dans une lettre, « comme un téléphone de campagne »,
la cible favorite des tireurs isolés. « Mon but suprême, écrivait-il, est
de suivre aveuglément mes supérieurs et de ne contredire personne. » Grâce
aux cartes postales qu’elle recevait de temps en temps des Popp, Angela sut qu’il
était à Ypres, à Messines, à la bataille de la Somme. Sa nourriture préférée
était des zwieback, des biscottes, avec du miel. Le sergent Max Amann
lui avait obtenu de repeindre le mess des officiers. Dans son rapport, un de
ses supérieurs avait noté qu’il était « modeste et effacé », ce qu’il
prit comme un grand compliment. Il avait recueilli un petit terrier blanc qu’il
avait appelé Foxl, Petit Renard. Il avait entrepris d’apprendre par cœur Le
Monde comme volonté et comme représentation de Schopenhauer, dont il
gardait un exemplaire dans son paquetage.
Même à Noël, alors qu’elle attendait un compte
rendu personnel de son année passée sur le front, Angela ne reçut que ce poème :
Souvent, par les nuits glacées, je me rends
Au pied du chêne de Wotan dans la vallée tranquille,
Et je m’unis à de sombres puissances !
La lune m’offre ses charmes et sa magie
Et tous ceux qui le jour me provoquent
Deviennent craintifs et insignifiants !
Les obus les fusils et les baïonnettes
N’ont plus d’emprise sur moi !
Je suis Wotan et responsable
De ma destinée !
Les ennemis avec leur épée étincelante
Sont tous changés en statues de pierre !
Ainsi les faux se séparent des vrais
Tandis que je consulte l’ancien registre des mots
À la recherche de formules de bénédiction et de prospérité
Pour les purs, les justes et les bons !
Angela apprit
indirectement qu’il avait été blessé par un obus, et que l’infirmière qui l’avait
réveillé à l’hôpital de campagne était la première femme qu’il voyait depuis
deux ans. Ensuite il était allé en convalescence à Beelitz, près de Berlin, où
il n’avait trouvé que « la faim et la misère noire ». Faute de lait, les
enfants buvaient du café, et les chats étaient surnommés « lapins des
toits ». Ensuite il participa aux offensives de Ludendorff sur la Somme, l’Aisne
et la Marne. Elle sut juste avant l’armistice qu’il avait été aveuglé par une
attaque de gaz près du village de Wervick. Une autre lettre des Popp lui apprit
qu’il était à nouveau « bon pour le service », et qu’il vivait dans « la
porcherie » de la caserne de Türkenstraße, près de son ancien quartier de Schwabing.
Frau Popp raconta qu’elle lui avait apporté une tête de veau vinaigrette qu’il
avait dévorée en une seule fois. Elle lui dit qu’Hitler ne lui avait pas
expliqué ce qu’il faisait encore dans l’armée, mais qu’il avait été stupéfait d’apprendre
que les Raubal n’avaient jamais reçu ses lettres. Menteur, pensa Angela.
Puis, six ans après la visite d’Angela et de
Geli à Munich, Hitler débarqua à leur appartement de Vienne près de la Westbahnhof,
en permission. Geli avait alors onze ans et son oncle trente. Elle le trouva beau
avec ses bottes cirées, sa tunique grise à col montant, et sa moustache
légèrement parfumée, en aile de mouette, qu’on appelait Kaiserbart. Elle
examina attentivement les médailles de son héros en
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