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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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sous l’encrier,
puis se laissa tomber en arrière sur le lit, un bras sur les yeux, comme s’il s’évanouissait.
    — Tu es triste ? demanda Geli.
    — Fatigué, répondit-il au bout de
quelques secondes.
    Comme le tissu du sofa lui grattait les
cuisses, Geli se laissa glisser par terre.
    — J’ai chaud, dit-elle.
    — Ma chérie, il faut que je me repose un
peu.
    Elle alla vers le rebord de la fenêtre, attirée
par le tic-tac d’une pendule. Elle colla son oreille sur le cadran. Elle se mit
sur la pointe des pieds pour regarder le terrain de jeux en face, mais il n’y
avait pas d’enfants. Elle trouva trois pinceaux dans un verre plein d’eau. Elle
souleva légèrement le plus gros, et regarda le filet de peinture bleue s’en
échapper en flottant et se changer en fumée, puis il n’y eut plus que de l’eau
colorée. Elle regarda son oncle pour s’assurer qu’elle était bien sage. Les
poings d’Adolf se serraient et se desserraient. Ses belles mains étaient
dépourvues de poils. Une de ses chaussures montantes était par terre, l’autre
froissait le couvre-lit. Geli s’accroupit et regarda sous le lit. Il y avait un
gros tas de magazines. Elle tira celui qui était au-dessus de la pile et l’ouvrit
sur ses genoux après s’être assise sur le plancher verni. Elle suivit du doigt
les grandes lettres de la couverture.
    —  Ostara, dit son oncle.
    Elle leva les yeux et le vit sur son lit en
train de la regarder d’un œil critique, avec le même air de dire « c’est à
moi » qu’elle voyait fréquemment chez son frère.
    — Ostara est l’ancienne déesse germanique
du printemps.
    Elle tourna avec peine les pages du magazine, et
tomba sur un dessin bizarre représentant une jolie femme blonde dont les
vêtements étaient tombés et qui semblait pleurer et frapper de ses poings un
être velu, ou un singe, ayant l’air de vouloir s’allonger sur elle.
    — Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-elle.
    — C’est ce que les Juifs font aux vierges
aryennes. Tu ne comprendrais pas.
    Elle tourna une page.
    — Qu’est-ce qu’il y a écrit ?
    —  Êtes-vous blonde ? lut-il. Si
oui, vous créez la culture et vous soutenez la culture. Êtes-vous blonde ?
Si oui, des dangers vous menacent.
    Hitler s’assit par terre à côté de sa nièce et
prit d’autres magazines dans la pile.
    — Le numéro sur « La race et le
bien-être », énuméra-t-il. Celui-là, sur « La physique sexuelle ou l’amour
comme énergie odylique ».
    Puis il guida l’index de Geli sur les lettres
fantaisie d’une autre couverture.
    — « Les dangers des droits des
femmes et la nécessité d’une moralité masculine des maîtres. »
    Et encore un autre :
    — Ah, voici mon préféré, Angelika :
« Comment juger le caractère d’après la forme des crânes. »
    — Pourquoi c’est ton préféré ?
    Hitler fit retomber ses mains sur la tête de
la fillette, et tâta toute la surface de son crâne sous ses cheveux, disant d’une
voix féroce :
    — Parce que je peux dire si Angelika est
vilaine ou gentille rien qu’en sentant les bosses de sa caboche !
    La nièce d’Hitler poussa des petits cris de
ravissement.
    Lorsque Angela rentra des courses, elle les
trouva tous deux assis par terre, en train de se passer mutuellement les mains
sur le visage, rouges et hilares.
    — J’ai trouvé à manger, dit-elle.
    Hitler se recoiffa de la main et rectifia la
position.
    — Quoi ?
    —  Leberkäs, sauerkraut, et strudel.
    — Et du café ?
    — De la chicorée. Et du lait. Plein de
choses.
    Elle se mit à ranger les provisions et Hitler
tint Geli contre lui en lui disant en aparté :
    — Tu vois, c’est ça, avoir une mère !

III
Le caporal et le Schatzkamme, 1919
    À la fin de la première année de la Grande
Guerre, Angela, qui était allée mettre au clou un collier d’émeraudes pour
pouvoir acheter à manger, passa devant une vitrine exposant une célèbre photo
de presse prise à Munich en août 1914. Cette photo montrait une immense foule
qui s’était rassemblée devant la Feldherrnhalle afin de manifester son
enthousiasme délirant pour l’alliance de l’Allemagne avec l’Autriche dans la
guerre contre la Russie et la Serbie, conflit censé se terminer en l’espace de
quelques semaines. Quelle ne fut pas sa surprise de voir Adolf dans les
premiers rangs de ce rassemblement, pâle et frêle, les cheveux courts, le
chapeau levé dans un hourra, plus heureux

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